«Alejandra! Un patient pour toi, c’est un enfant!»
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République démocratique du Congo (RDC)4 min
Alejandra Garcia Naranjo, pédiatre MSF dans la province de l’Ituri en République démocratique du Congo délivre sur témoignage à Avra Fialas, chargée de communication.
Dans une maison d’hôte réaménagée partiellement en bureaux de coordination pour la gestion des projets MSF en l’Ituri, à l’est de la RDC, les vas-et-viens du personnel s’enchainent. On croise des personnes en pause-café, en fin de mission ou simplement de passage pour une réunion ou une formalité. Il est rare qu’une conversation ne contienne pas une anecdote sur le terrain.
C'est au cours d’un petit déjeuner que j’ai rencontré Alejandra, une femme de petite taille avec de longs cheveux bouclés et un sourire communicatif qui ferait sourire le plus introverti d’entre nous. Alejandra est la seule pédiatre MSF en mission dans cette province reculée du nord-est de la RDC. Elle travaille sur le terrain depuis près de 10 ans.
Ce matin-là, Alejandra sirote son café quand elle se met à me raconter l’histoire de ce petit garçon, Mandro, rencontré à Drodro, non loin de la ville de Bunia où nous sommes installés, où les conflits inter-ethniques durent depuis des décennies.
« Nous étions en route pour l'hôpital général de Drodro lorsque Diakaridia, responsable de la promotion de la santé pour MSF, m'a appelé pour me dire avec enthousiasme : ‘Alejandra ! Un patient pour toi, c’est un enfant !’. A ce moment-là, j’étais loin de m’imaginer que cet enfant serait l’un des plus graves cas de gale de ma carrière. »
Elle s’interrompt un instant pour me montrer des photos de Mandro, avant et après sa sortie de l’hôpital.
« Diakaridia a amené l'enfant à l'hôpital de Drodro. Lorsque je l’ai découvert, j’étais sous le choc. Ses mains, ses bras, son cou, tout son corps, de la tête aux pieds, était couvert de cicatrices, gravement surinfectées par l'une des pires formes de gale : celle dite « norvégienne », car identifiée pour la première fois en Norvège. L’état de ses petites mains était saisissant tant le garçon les avaient grattées » me prévient Alejandra en me montrant la photo.
La gale est une maladie de la peau, répertoriée comme maladies tropicales négligées. Elle est facilement guérissable car les médicaments sont disponibles et souvent peu couteux, voire gratuits. La complexité de la maladie réside dans le suivi des contacts : non seulement le patient doit guérir mais tout son entourage doit être identifié. Ceci implique de laver tous les vêtements et les draps, parfois même les matelas, avant de les laisser sécher au soleil pour s’assurer que le parasite soit bien détruit.
Comment peut-on s’assurer que ce soit fait à l’échelle d’un site de déplacés, quand en Ituri des centaines de milliers de personnes vivent entassées dans des conditions d’hygiène déplorables ?
« Dans le cas de Mandro, nous avons eu de la chance car Diakaridia l'a trouvé et amener à temps à l’hôpital, même s’il pouvait à peine bouger les mains. Nous lui avons immédiatement donné des médicaments et de la crème. Nous avons jeté ses vêtements infectés et lui en avons offert de nouveaux. Il est extrêmement rare de devoir hospitaliser les patients atteints de gale mais en voyant l’état de cet enfant, c’était la meilleure chose à faire. Quelques jours plus tard, il était guéri… et plein de vie ! » s’enthousiasme Alejandra.
Dans ces régions oubliées du monde, où vivent près d'un million de personnes déplacées, les mots ne suffisent pas à décrire la détresse des populations et l’ampleur de la tâche pour qu’ils retrouvent dignité et conditions de vie décentes. Je suis frappée lorsqu'une pédiatre aussi expérimentée s’émeut de ces si petites victoires à l’échelle des besoins gigantesques. Mandro, petit rescapé de la gale, représente un espoir pour tous ceux qui tentent de survivre et continuent de souffrir à l’ombre des autres priorités de la communauté internationale.
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