Ituri: 200 000 déplacés suite à la dernière vague d’attaques sur les villages et les centres de santé
© MSF/Avra Fialas
République démocratique du Congo (RDC)4 min
La recrudescence des violences dans la province de l'Ituri en République démocratique du Congo (RDC) a entraîné une nouvelle vague de déplacement forcé. Plus de 200 000 personnes ont été forcées de prendre la route au cours des deux derniers mois suite à la destruction de leur village et des centres de santé par des groupes armés. Actuellement, la RDC est le deuxième pays au monde comptant le plus grand nombre de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, derrière la Syrie.
Médecins Sans Frontières (MSF) appelle les acteurs nationaux et internationaux à renforcer l’assistance apportée aux populations de cette région située au nord-est du pays.
Enrayer le cycle de violence
« Le 2 mai, plus de 200 maisons ont été incendiées dans la localité de Wadda. Le centre de santé que nous soutenions a été pillé, rapporte Alex Wade, chef de mission pour MSF en Ituri. Au moins quatre autres structures de santé ont été attaquées au mois de mai. » En effet, la dernière attaque recensée dans la région de Drodro s’est déroulée le 17 mai et les équipes MSF sont venues en support aux acteurs de santé locaux pour fournir des soins d'urgence à des femmes et des enfants dont les blessures avaient été causées par des armes à feu et des machettes.
La plus jeune victime lors de cette attaque est un garçon âgé d’à peine 15 mois. Il était sur le dos de sa mère lorsque celle-ci a été abattue. « La balle a traversé la jambe du nourrisson et tué sa mère. C’est ses voisins qui l’ont amené à l’hôpital, car ses parents sont morts pendant l'attaque, tout comme trois de ses sœurs et trois de ses frères. Seul son frère aîné a réussi à s'échapper dans la brousse et a survécu », relate Diop El Haji, responsable des activités médicales MSF.
Les civils sont les principales victimes de ces confrontations entre milices, forces nationales et autres groupes armés. MSF est témoin de la situation dramatique qui touche les plus vulnérables qui vivent sous la menace permanente d’être pris pour cible. « Cette violence est systématique. Les centres de santé et les villages sont détruits afin de décourager ceux qui nourriraient l’espoir d’y retourner, poursuit Alex Wade. Comme notre accès à certaines zones n’est pas garanti, nos équipes peinent à fournir des soins de santé aux populations locales et déplacées. »
Cette violence est systématique.
Garantir l’accès aux soins et augmenter l’aide humanitaire
Dans une région secouée par des décennies de conflits communautaires, l’insécurité permanente entrave les mouvements des populations et complique ceux des humanitaires. « Les gens ont peur de se rendre dans les centres de santé, qu’ils soient dans les villages ou dans des sites d’accueil. Ils vivent dans la brousse et nous avons dû mettre en place des cliniques mobiles pour pouvoir les atteindre », explique Benjamin Courlet, coordinateur terrain pour MSF à Bunia.
Les gens ont peur de se rendre dans les centres de santé. Nous avons dû mettre en place des cliniques mobiles pour les atteindre.
MSF exhorte les acteurs nationaux et internationaux à accroître leur présence en Ituri auprès des centaines de milliers de personnes réfugiées sur des sites où les standards humanitaires minimums sont loin d'être atteints, entre insalubrité et surpeuplement. Dans ce quotidien déjà fragile, accéder aux soins s’avère de plus en plus difficile. MSF tente de combler les besoins les plus urgents, mais la crise ne saurait être résorbée sans davantage de services, d’acteurs et de personnels de santé.
« Les priorités immédiates sont de fournir à ces personnes un accès à l’assistance médicale et améliorer leurs conditions de vie, résume Benjamin Courlet. La mise en œuvre des protocoles de prévention des épidémies ajoute encore un niveau de complexité, en particulier au vu de la menace de propagation du Covid-19 dans la région. »
Les besoins sont énormes et nous ne pouvons pas tout faire tout seul…
MSF fournit une assistance médicale aux populations en Ituri depuis le début du conflit au début des années 2000. A la prise en charge des blessés de guerre s’ajoute le traitement des maladies endémiques les plus meurtrières de la région comme le paludisme, les maladies respiratoires infectieuses graves, la diarrhée et la rougeole. MSF assure une présence dans les hôpitaux généraux, les centres de santé et les centres de soins communautaires des sites de déplacés des régions de Nizi, Drodro et Angumu. MSF mène également des activités de promotion de la santé et d’installations d’eau potable et de dispositifs sanitaires ainsi que la distribution de produits non alimentaires dans de nombreux sites de déplacées.
Dans le contexte difficile de la pandémie de Covid-19, la propagation de la maladie dans la province de l'Ituri risque de conduire à une catastrophe humanitaire. Les équipes MSF organisent des séances de sensibilisation aux communautés et construisent des salles d'isolement et de triage dans les hôpitaux généraux pour les cas potentiels.
© MSF/Avra Fialas