Au Cameroun, MSF œuvre pour éviter une flambée de choléra

Cameroun, 10.08.2019

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Depuis le mois de mai 2019, le nombre de cas de choléra est en augmentation dans le nord du Cameroun, officiellement déclaré en épidémie. Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) sont mobilisées pour tenter d’éviter une nouvelle flambée similaire à celle qui a frappé la région du lac Tchad en 2018.

« La localité de Pitoa a notifié une douzaine de cas de choléra dont 3 décès en peu de temps. Ces différents cas ne semblent pas avoir de liens entre eux. Ce type de situation est inquiétant car cela signifie que le choléra est disséminé dans la communauté » explique Justin Eyong, épidémiologiste à MSF. 

Depuis le mois de mai 2019, le nombre de cas de choléra est en augmentation dans le nord du Cameroun, comme ici à Pitoa ou dans la ville voisine de Garoua, chef-lieu de la région, mais aussi plus au nord, dans certains villages du district de santé de Kaélé. En 2018, les pays voisins du lac Tchad avaient déjà été affectés par plusieurs épidémies, qui avaient touché plus de 45 000 personnes et en avaient tué plus de 900. MSF avait alors soutenu la riposte au Cameroun, au Nigéria et au Niger en appuyant les autorités sanitaires pour la prise en charge de près de 30 000 patients et la vaccination de plus de 550 000 personnes. Aujourd’hui encore, MSF a dépêché ses équipes sur place pour éviter une nouvelle flambée. « Le choléra est une maladie grave et très contagieuse, qui, sans traitement, peut provoquer la mort en 24 heures » rappelle le Dr Jean-Patrick Ouamba, coordinateur médical adjoint à MSF.

10/08/2019, Pitoa, Cameroun

Alphonse Elogo, responsable MSF eau et assainissement contrôle un puits dans un quartier du district de santé de Pitoa, dans la région Nord du Cameroun.

© Juliette Muller/MSF

Mieux prévenir pour moins avoir à guérir

A l’arrivée de l’équipe MSF à Pitoa, les autorités sanitaires locales avaient déjà commencé à investiguer sur la situation, à savoir questionner chaque nouveau patient présentant des symptômes de la maladie sur ses déplacements, son alimentation ou ses activités des derniers jours. « Il en est ressorti que près de la moitié des cas avaient eu contact avec des eaux douteuses, à savoir des cours d’eaux probablement contaminés qui sont utilisés pour laver le linge ou la vaisselle, ou des puits creusés près de latrines contaminées », explique Justin Eyong. En discutant sur place avec les habitants, Alphonse Elogo, spécialiste eau et assainissement et Hadidjatou Bidisse, promotrice de la santé chez MSF, ont pu identifier les sources d’eau possiblement contaminées. Un travail d’investigation épidémiologique fondamental, qui permet de cibler la riposte à la maladie, en particulier l’organisation d’activités de sensibilisation sur les bonnes pratiques en matière d’hygiène, la purification de certaines sources d’eau ou l’organisation de vaccinations.

« Les mesures de prévention ciblées, dont fait partie la vaccination, sont vraiment prioritaires lorsque l’on parle de choléra. Il faut évidemment se préparer aussi à la prise en charge des cas, car la maladie est très rapidement mortelle. Mais cela ne saurait remplacer la prévention, qui vise à éviter la dissémination de la maladie dès les premiers cas », explique le Dr. Jean-Patrick Ouamba. Début août, une campagne de vaccination a été organisée dans la région de Garoua par les autorités sanitaires. « Cela devrait permettre d’endiguer la progression de l’épidémie, mais toutes les zones touchées n’ont pas encore été vaccinées. C’est notamment le cas du district de santé de Kaélé, où des cas sont régulièrement notifiés depuis fin Juin 2019 », souligne Jean-Patrick Ouamba. 

Cameroun, 10.08.2019

Installations choléra mises en place par MSF au centre de santé de Midjivin (district de santé de Kaélé), dans l'Extrême-Nord du Cameroun

© Juliette Muller/MSF

A Kaélé, mais aussi à Pitoa, les équipes MSF s’activent justement pour améliorer  la sensibilisation des patients, de leurs accompagnants, du personnel médical et de la population en général. Les membres des communautés des zones à risque sont régulièrement informés sur les mesures de prévention à enseigner aux habitants : se laver les mains avant les repas et lorsque l’on sort de toilettes, traiter l’eau avant son utilisation, laver les légumes et les fruits avant de les ingérer et bien cuire les repas avant de manger. Avec l’appui d’autres acteurs humanitaires, des sensibilisations à plus large échelle sont prévues. « Nous envisageons également de procéder à la désinfection de certaines sources d’eau et réaliserons un plaidoyer pour tenter d’améliorer l’accès à l’eau potable sur le long terme », explique Alphonse Elogo, spécialiste eau et assainissement de MSF.

Outre la prévention, MSF a aménagé, fourni en matériel et formé le personnel de trois structures de santé à Garoua, Pitoa et Midjivin ( district de santé de Kaélé ) pour qu’elles soient adaptées à la prise en charge du choléra. Certaines structures sont directement appuyées par du personnel MSF. Les équipes médicales de MSF maintiennent par ailleurs un état de vigilance accrue au nord Cameroun, mais aussi dans l’état voisin du Borno ( Nord-Est Nigeria ) et dans les régions tchadiennes de Mayo-Kebbi Est et Mayo-Kebbi Ouest, à la frontière avec le Cameroun.

Le bassin du lac Tchad propice au développement du choléra

Le choléra, maladie grave et très contagieuse, qui se manifeste par des diarrhées et vomissements, est endémique dans la région du bassin du lac Tchad. Sans prise en charge adéquate, il peut conduire à une mort rapide en raison de la forte déshydratation provoquée. La maladie se transmet par des contacts avec les selles ou vomissements des patients, à savoir à travers une mauvaise hygiène, aux toilettes notamment, ou en ingérant des aliments ou de l’eau contaminée. En saison des pluies, les inondations provoquées augmentent le risque de transmission de la maladie. La pauvreté et les déplacements de populations  liés à l’insécurité dans la région du bassin du lac Tchad constituent également des facteurs aggravants. De nombreuses populations y vivent en effet dans des conditions précaires et de promiscuité, sans accès à l’eau ou à des infrastructures d’hygiène adéquates. S’ajoute à cela un système sanitaire faible ou dont le fonctionnement est parfois perturbé par le conflit.