Bangladesh:«Les Rohingya tentent de survivre»
© Amelia Freelander/MSF
Myanmar5 min
Lundi 23 octobre à Genève, le Dr Joanne Liu, Présidente internationale de MSF, a pris la parole lors d'une conférence d'annonce de contributions pour la crise des réfugiés Rohingya organisée par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et co-organisée par l'Union européenne et le Koweït.
Dans cet éditorial, elle décrit sa récente visite à Cox's Bazar, au Bangladesh, la recrudescence des violences dans l'État de Rakhine au Myanmar a provoqué une crise de réfugiés majeure.
Au cours des deux derniers mois, près de 600 000 réfugiés rohingya ont trouvé refuge au Bangladesh. Le nombre de réfugiés continue d’augmenter, avec 40 000 personnes ayant traversé la frontière au cours des deux dernières semaines, témoignant de la poursuite des violences.
Il est difficile d’imaginer l'ampleur de la crise sans l’avoir vue de ses propres yeux. Les réfugiés vivent dans des camps extrêmement précaires, composés d’abris de fortune éparpillés sur de petites collines, fait de boue et de bâches plastiques, fixés par du bambou. Depuis l’entrée du campement de Kutupalong, qui abritait déjà plusieurs milliers de Rohingya avant même cet afflux récent, les choses semblent à peu près organisées. Mais si vous vous enfoncez un peu plus dans ce campement, au milieu des forêts et des zones dépourvues de routes, c'est autre chose. Il y a pratiquement aucun service disponible et les conditions de vie sont affolantes. Des familles entières vivent sous des bâches en plastique sur des terrains boueux et inondables. Les gens n’ont pu emporter que très peu d'effets personnels, et sont vulnérables aux attaques des éléphants. Ils ont ni eau potable, ni nourriture, ni latrine et n’ont pas accès aux soins de santé.
Au vu de leur récent déplacement, les réfugiés tentent de survivre comme ils peuvent. Ils vivent au jour le jour, en essayant de combler leurs besoins vitaux pour survivre un jour de plus. Actuellement, la réponse humanitaire est très dispersée: des bâches en plastique sont distribuées à un endroit, tandis que les sacs de riz et l'eau sont distribués ailleurs.
A Kutupalong, où MSF gère un centre médical depuis 2009, nous avons augmenté notre capacité d'accueil de 50 à 70 lits et nous consultons aujourd'hui entre 800 et 1000 patients par jour. Nos équipes voient des pathologies qui ne devraient pas exister si le contexte était maitrisé, par exemple des adultes qui s'effondrent ou meurent de déshydratation à cause de simples diarrhées. Nous avons ouvert de nouveaux projets médicaux, d’autres pour l'assainissement et l’approvisionnement en eau ailleurs dans Cox’s Bazar, pour mieux répondre à la croissance exponentielle des besoins. Mais beaucoup reste à faire.
Ne perdons pas à l’esprit que la cause du déplacement des Rohingya est la crise actuelle au Myanmar. Les gens ont fui parce que leur vie était en danger, ils n'ont eu d'autre choix et des centaines de milliers d'entre eux sont toujours piégés au Myanmar. Ceux-ci subissent encore cette terreur et sont désormais coupés de l'aide humanitaire.
Pour le Bangladesh, accueillir plus d'un demi-million de personnes en seulement deux mois est un acte extraordinairement généreux mais il s'accompagne de défis incomparables. Aucun pays ne peut, à lui seul, répondre à des besoins aussi énormes. Nous encourageons le gouvernement bangladais à garder ses frontières ouvertes et invitons la communauté internationale à soutenir ce geste courageux. Contribuer à prévenir une catastrophe de santé publique est le devoir des donateurs. Nous ne pouvons y parvenir qu'en nous assurant de couvrir les besoins vitaux d'une population qui a été confrontée à la violence, à des viols et à la torture. Davantage d'organisations sont nécessaires sur le terrain afin de construire des latrines, installer des pompes à eau, fournir des soins et distribuer de la nourriture. Cela est seulement possible si le gouvernement du Bangladesh facilite la présence de l'aide et permet une arrivée massive d'organisations humanitaires d’urgence.
Cette conférence devrait être une sonnette d’alarme. Nous pouvons mobiliser et éviter une seconde catastrophe afin de restaurer la dignité d'une population dans le besoin.
A propos de MSF dans le district de Cox’s Bazar
MSF est présente au Bangladesh depuis 1985, mais la crise à Cox’s Bazar nous a obligés à augmenter massivement notre capacité de réponse. Depuis le début de la crise, nous avons dispensé des soins médicaux à plus de 30 000 personnes, soit cinq fois le nombre de personnes prises en charge par MSF au cours de la même période l'année dernière. En juillet MSF traitait environ 200 patients par jour, alors qu’aujourd'hui, au sein de ses différents projets, on compte plus de 2 000 patients par jour. MSF a étendu ses activités dans son plus grand centre médical de la région, Kutupalong, qui compte désormais 70 lits, avec de nouvelles salles et de nouvelles zones d'isolement pour les maladies infectieuses.
MSF a également démarré la construction de postes de santé temporaires (Baloukhali, Mainnerghona) et des cliniques mobiles pour répondre aux besoins des nouveaux arrivants.
En dehors des activités médicales dans le but de limiter la propagation des maladies dans les campements, MSF améliore l'approvisionnement en eau et l'assainissement. MSF a construit 200 latrines, 25 puits et un système d'approvisionnement en eau, en parallèle de l’acheminement quotidiennement de l'eau par camion jusqu'aux campements. En coordination avec le Département de la santé publique et de l'environnement du Bangladesh et d'autres entités, la construction de latrines et de points d'eau est prévue dans les zones les plus touchées.
D'ici fin décembre, MSF prévoit de forer 100 points d’eau supplémentaires, creuser 300 puits et installer 1 000 latrines dans les campements de Balukhali et Kutupalong.
© Amelia Freelander/MSF