Ebola, un an après: de l'espoir à la tristesse

19 juin 2019, Bunia, RDC

République démocratique du Congo (RDC)5 min

Aujourd'hui marque le premier anniversaire de la dixième épidémie d’Ebola, qui non seulement fait toujours rage, mais qui est devenue la deuxième plus grande épidémie d'Ebola de l'histoire. Trish Newport, responsable adjointe des programmes Ebola de MSF en République démocratique du Congo (RDC), revient sur l'épidémie et la réponse qui y est apportée au cours de l'année écoulée.

« Je me souviens très clairement de ce 24 juillet 2018. Ce jour-là était officiellement déclarée la fin de la neuvième épidémie d'Ebola en RDC. Lors de cette épidémie, j’étais chargée de gérer le projet de vaccination de MSF. C'était la première fois que le vaccin expérimental Ebola était utilisé au début d'une flambée pour tenter de la contrôler. L'épidémie a duré moins de trois mois, et je me souviens avoir pleuré de joie et être pleine d'espoir ce 24 juillet lorsque la fin était déclarée. J'ai naïvement pensé qu'avec ce vaccin efficace, le monde n'aurait plus jamais à faire face à une épidémie d'Ebola de grande ampleur. Comme cela s'est produit tant de fois dans ma vie humanitaire, je me trompais complétement. 

En RDC, une semaine après la fin officielle de la neuvième épidémie d'Ebola, la dixième flambée démarrait. Aujourd'hui marque le premier anniversaire de la dixième épidémie d’Ebola, qui non seulement fait toujours rage, mais qui est devenue la deuxième plus grande épidémie d'Ebola de l'histoire mondiale.

Gagner la confiance de la population

Pour la population vivant dans les zones touchées par le virus Ebola en RDC, cette année a été longue, douloureuse et meurtrière. Les centres de traitement Ebola ont été violemment attaqués et détruits, des agents de santé ont été assassinés parce qu'ils travaillaient dans le cadre de la réponse à Ebola, des civils ont été tués par les forces de sécurité censée protéger la riposte Ebola, et des gens continuent de mourir de cette maladie. 

Trish Newport, responsable adjointe des programmes Ebola de MSF en République démocratique du Congo (RDC)

Trish Newport, responsable adjointe des programmes Ebola de MSF en République démocratique du Congo (RDC)

© Louise Annaud/MSF

Le ministère congolais de la Santé, l'OMS et d'autres organisations internationales sont les acteurs de la riposte Ebola. L'un des problèmes majeurs de cette épidémie est que la réponse à Ebola n'a jamais gagné la confiance des populations locales. L'épidémie se produit dans une région qui a été ces dernières années en proie à des conflits et à des massacres des civils. Un jour, j'ai demandé à l'une des employées locales MSF pourquoi il y avait tant de colère à l’encontre de la riposte Ebola. Elle a répondu : « Mon mari a été tué dans un massacre à Beni. À l'époque, tout ce que je voulais, c'était qu'une organisation internationale vienne nous protéger des tueries, mais aucune n'est venue. J'ai trois enfants qui sont morts du paludisme. Aucune organisation internationale n'est jamais venue travailler ici pour s'assurer que nous ayons accès aux soins de santé ou à l'eau potable. Maintenant Ebola est arrivé et toutes les organisations viennent parce qu'Ebola lève des fonds. Si vous vous préoccupiez de nous, vous nous demanderiez nos priorités. Ma priorité est de vivre en sécurité et de m'assurer que mes enfants ne meurent pas du paludisme ou de diarrhée. Ma priorité n'est pas Ebola, cette maladie est votre priorité. »

Une urgence sanitaire mondiale

La semaine dernière, cette épidémie d'Ebola a été déclarée "urgence sanitaire mondiale". L’impact de cette déclaration sur la réponse actuelle n’est pas clair. Ce que nous constatons, c'est qu'encore plus d'argent est consacré à Ebola. Mais s'il n'y a pas de changement dans la façon dont l'épidémie est gérée, si la confiance des populations n’est pas gagnée, tous ces fonds ne serviront à rien. Cela ne fera que créer davantage de problèmes.

Actuellement, il existe non seulement un vaccin Ebola efficace, mais aussi des traitements expérimentaux, des outils qui étaient beaucoup moins accessibles lors de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest. Mais si la population ne fait pas confiance à la réponse Ebola, ces outils ne pourront jamais être utilisés à la mesure de leur potentiel, ce qui crée une grande frustration.

RDC, 28.09.2018

Acteurs de l’ombre lors d’une intervention Ebola, le rôle des hygiénistes est crucial : après chaque entrée dans la zone à haut risque, le matériel est désinfecté en vue de la prochaine utilisation.

© Carl Theunis

En février 2019, deux de nos centres de traitement Ebola (CTE) dans l'épicentre de l'épidémie ont été attaqués. Nous ne savions pas qui attaquait les CTE, ni pourquoi. Comme nous ne pouvions plus assurer la sécurité de notre personnel ou de nos patients, MSF a pris la douloureuse décision d'arrêter toute activité dans cette zone. Nous avons été forcés de réexaminer les problèmes auxquels nous étions confrontés et la façon dont nous voulions modifier notre réponse à l’épidémie. Nous avons déterminé que nous devions travailler plus étroitement avec les communautés et que nous devions écouter leurs priorités en matière de santé et répondre à leurs besoins. Nous avons commencé à offrir accès à des soins de santé pour soigner toutes les maladies qui touchent la population, comme le paludisme, la rougeole et la diarrhée. Nous avons démarré la construction de puits et de points d’eau, afin que les gens puissent se laver les mains et ainsi empêcher la propagation d'Ebola. Dans les centres de santé locaux existants, nous avons mis en place des centres d’isolement pour les cas suspects d'Ebola, afin que les patients puissent être soignés dans leur communauté, au lieu d'avoir à se rendre dans d'autres régions pour subir des tests et être isolés.

En répondant aux besoins réels et aux priorités de la population en matière de santé, nous avons commencé à gagner la confiance des communautés. Malheureusement, cette approche n'a toujours pas été adoptée par l'ensemble de la riposte Ebola, et il subsiste une méfiance générale à l'égard de cette réponse. Dans de nombreuses régions, les gens refusent encore de se rendre dans les centres de traitement Ebola lorsqu'ils sont malades, et d'autres personnes refusent toujours le vaccin. Quand je vois des familles et des communautés décimées par Ebola, cela me rend tellement triste. Il n'était pas nécessaire que les choses se passent ainsi, et à moins que la riposte Ebola n’opère un changement radical, l'épidémie ne va pas s’arrêter de sitôt.

Un an après le début de l'épidémie, plus de 2 600 personnes sont tombées malades et plus de 1 700 personnes sont mortes de cette maladie. Aujourd'hui, à l'occasion du premier anniversaire, je pense à toutes ces personnes qui ont été touchées par le virus. J'espère que le changement viendra bientôt. »