Ebola en RDC: l'OMS déclare l'urgence sanitaire mondiale
© Alexis Huguet
République démocratique du Congo (RDC)5 min
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a réuni le mercredi 17 juillet un groupe d’experts chargé de déterminer si l’épidémie d’Ebola qui sévit actuellement dans le Nord-Kivu, en République démocratique du Congo constituait une urgence de santé publique de portée internationale.
Ce panel s'était déjà réuni sur le même sujet en octobre 2018, en avril puis en juin 2019, et à trois reprises, ils avaient décidé que l'épidémie ne constituait pas une urgence sanitaire mondiale. Cette fois-ci, la situation est différente. Depuis la déclaration de l'épidémie il y a près d'un an, le 1er août 2018, le nombre de nouveaux cas n'a cessé d’augmenter. De plus, en début de semaine, le premier cas a été déclaré à Goma, ville de plus d’un million et demi d’habitants et 3 cas d'Ebola avaient été confirmés en Ouganda, représentant le premier cas de propagation transfrontalière de l’épidémie et modifiant sa portée géographique.
« Les preuves sont évidentes : des personnes continuent de mourir au sein de leurs communautés, les agents de santé sont toujours contaminés et la transmission se poursuit » a déclaré le Dr Joanne Liu, Présidente internationale de MSF.
L’épidémie n’est pas maitrisée et nous devons changer de méthode
Déclarer une situation d'état d'urgence sanitaire mondial est un moyen d'appeler à une plus grande attention au niveau international et pourrait aider l'OMS à mobiliser des ressources humaines et financières supplémentaires.
« Cela ne doit ni impacter les restrictions de mouvement ni passer par un recours à la contrainte pour les populations impactées. Les communautés et les patients doivent restés au centre de la riposte et être des participants actifs » a poursuivi le Dr. Joanne Liu
« MSF a constaté à quel point il est difficile de faire face à cette épidémie. Nous devons faire le point sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Dans un contexte où la recherche des cas contacts n’est pas totalement efficace et où toutes les personnes affectées ne sont pas atteintes, une approche de plus grande envergure est indispensable pour la prévention de l’épidémie, ce qui signifie un meilleur accès à la vaccination pour la population afin de réduire la transmission ».
3 questions à Isabelle Defourny, directrice des opérations, sur l’importance de la vaccination pendant une épidémie d’Ebola
Où en est la riposte à l’épidémie d’Ebola en RDC?
L'épidémie d'Ebola dans l'est de la République démocratique du Congo n'est pas maîtrisée, avec plus de 1 600 décès liés au virus Ebola signalés depuis la déclaration de l'épidémie le 1er août 2018. Au cours des sept premiers mois de l'épidémie [d'août 2018 à mars 2019], plus de 1 000 cas (confirmés et probables) ont été signalés. Cependant, entre mars et juin 2019, ce nombre a doublé avec 1 000 nouveaux cas supplémentaires au cours de cette courte période avec un pic fin avril avec plus de 120 cas par semaine. Le nombre de nouveaux cas reste très élevé, avec entre 75 et 100 patients par semaine. Dans ce contexte, il est très difficile de retracer précisément les chaînes de transmission de cette épidémie.
Lors de l’épidémie en 2014, les seules solutions disponibles étaient d’isoler les patients puis de les prendre en charge sans traitement adéquat. En 2019, avec les vaccins et les traitements expérimentaux qui sont à notre disposition, nous pouvons offrir la possibilité aux personnes de se protéger individuellement et d’avoir accès à des traitements prometteurs.
Selon les données communiquées, en début de l’épidémie, la plupart des proches des cas confirmés étaient vaccinés et suivis par les équipes du ministère de la santé, ce qui a sans doute participé à contrôler l’épidémie pendant quelques temps. C’est la première fois qu’une vaccination à cette échelle est mise en place et c’est un élément très positif.
Cette approche est-elle encore possible aujourd’hui?
Disons qu’elle doit être adaptée et renforcée. Actuellement, la vaccination s’organise "en anneau" ? Ceci implique de vacciner toutes les personnes ayant été en contact avec un cas d’infection à virus Ebola, ainsi que tous leurs contacts. Cette logique n’est pas mauvaise en soi. Mais la mise en œuvre opérationnelle reste longue et difficile (identification compliquée de tous les contacts individuellement), peu adaptée à l’insécurité qui sévit au Nord Kivu et finalement, le nombre de personnes vaccinées est trop faible pour limiter la propagation de l’épidémie. Les équipes rencontrent également des difficultés à acheminer les vaccins depuis Kinshasa qui doivent être conservés à une température constante de -60°C.
Il faudrait donc changer de stratégie pour venir à bout de l’épidémie…
Tout à fait et d’ailleurs, au mois de mai, les experts du groupe SAGE ont recommandé un changement de stratégie vaccinale en RDC afin que plus de personnes soient vaccinées. Jusqu’à présent, le principal obstacle à la mise en place d’une vaccination élargie était le stock limité du vaccin Merck (seul vaccin ayant démontré une efficacité en épidémie). Aujourd’hui, selon les dernières informations transmises par l’OMS – il semblerait qu’il y ait 600.000 doses du vaccin Merck. Si tel est le cas, il n’existe plus de raison valable pour ne pas renforcer en urgence la vaccination.
La population a compris l’utilité de la vaccination et demande à y avoir accès. Cependant, aujourd’hui, avec une cinquantaine des personnes vaccinées autour d’un cas confirmé, on peut estimer qu’environ ¼ à 1/3 des personnes à risque sont vaccinées. Le stock de vaccins présent en RDC est extrêmement faible, régulièrement inférieur à 1000 vaccins. Avec un approvisionnement au compte-gouttes et une recherche de cas complexe, nous ne sommes toujours pas dans une stratégie de réponse d’urgence.
Certains prédisent une fin rapide de l’épidémie pourtant aucun signe ne permet aujourd’hui de tirer une telle conclusion, au contraire! Nous avons récemment vu des alertes en Ouganda et à proximité de la frontière sud-soudanaise.
D’autres vaccins existent et devraient être testés en zone épidémique afin d’être prêt si cette épidémie s’étend mais aussi d’avoir un choix de vaccins plus large pour de prochaines épidémies.
© Alexis Huguet