« Les gens devront bientôt choisir entre les constructions, la nourriture ou les bateaux »
© Laurence Hoenig/MSF
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Claire Dorion travaille pour MSF depuis plus de 14 ans. Spécialiste des problématiques d’eau et assainissement, elle est partie pour les Philippines dès les premiers jours de l’urgence. De retour du terrain, elle décrit les problèmes rencontrés par les populations et les projets mis en place pour y répondre.
« Ma mission, qui aura duré deux semaines, a commencé par deux jours d’exploration. Nous avions loué un tout petit hélicoptère qui permettait de se poser presque partout. Nous avons survolé la côte est de l’île principale de Panay et les îlots environnants : presque tout était détruit. Même une semaine après le passage du typhon, nous étions parfois les premières personnes à atteindre certaines îles au large. En quatorze ans de mission, c’est la première fois que je vois des gens se précipiter comme ça à notre arrivée… certains m’ont même sauté dans les bras !
Aux Philippines, les populations ont l’habitude des catastrophes naturelles : tout un tas de mécanismes se mettent en place très rapidement au sein de communautés. Chaque quartier – chaque « barangaï » comme on les appelle là-bas – à un chef, qui représente sa communauté et facilite les opérations de secours. C’est sur eux que nos équipes s’appuient pour mettre en place les distributions.
Les populations s’étaient préparées au vent et aux pluies, comme elles ont l’habitude de le faire à l’annonce d’un typhon. Mais Haiyan a aussi créé une énorme vague, presque un tsunami. Sur certains endroits de la côte, la vague a atteint 6 mètres de haut. Tout ce qui était dans les maisons a été emporté. Mais le plus grave, c’est que 95% des embarcations aient été détruites. C’est une catastrophe pour les populations, parce que les bateaux sont utilisés comme moyens de transport, mais ils sont aussi les outils de travail des habitants des côtes, qui vivent de la pêche. J’ai visité un village côtier à Panay dont les deux ressources étaient la pêche et la culture de la noix de coco. Le typhon n’a épargné qu’un arbre sur dix, et les bateaux ont été fracassés par les vagues. Si rien ne se passe, il y aura certainement des répercussions sur le stock de nourriture disponible dans les mois venir. Les gens devront bientôt choisir entre les constructions, la nourriture ou les bateaux. Il est certain qu’ils choisiront les bateaux.
Dans le domaine de l’eau, qui est celui duquel je m’occupe, il y a beaucoup de choses à faire. Le problème n’est pas le manque d’eau, mais le fait que les populations n’aient pas confiance dans la salubrité de l’eau dont ils disposent. Aussi, de nombreuses sources ont été salées par la vague et souvent les réseaux d’approvisionnent ont été endommagés. En fonction du système d’approvisionnement et des dégradations subies nous distribuons des aquatabs à chaque foyer, effectuons des chlorations de puits, ou réparons les pompes ou les réseaux. Notre aide est focalisée sur les petites îles autour de Panay. Sur ces îlots, les rares bateaux intacts servaient à transporter l’eau que les communautés allaient acheter sur d’autres îles. L’assainissement des points d’eau devrait donc permettre de libérer ces bateaux pour d’autres activités.
Le typhon a aussi entrainé des catastrophes plus locales : dans le port d’Estancia, une barge qui stationnait s’est renversée, et le fioul qu’elle contenait s’est déversé. La marée noire qui s’est formée est à quelques mètres des premières habitations. L’odeur y est irrespirable et les vapeurs très toxiques pour les populations qui vivent à proximité. Nous avons construit deux camps pour reloger ces personnes temporairement, en leur garantissant un accès à l’eau potable et aux soins de santé. Même depuis que de nombreux acteurs sont arrivés sur l’île de Panay, peu choisissent d’installer leur activité sur les petites îles difficiles d’accès. »
Nous organisons des cliniques mobiles et des distributions de biens de première nécessité par bateau. L’opération de distribution en cours vise plus de 10 000 familles : kits d’hygiène, bâches, ustensiles de cuisine… de quoi s’abriter, préparer à manger et se laver. Plus de 3000 consultations médicales ont eu lieu dans les cliniques mobiles d’Estancia, de Carles et de Dionisio. Les équipes proposent aussi des consultations psychologiques, individuelles ou de groupe. A Balasan, MSF renforce l’hôpital de district de Balasan, dont la capacité à été doublée.
© Laurence Hoenig/MSF