Hodeidah va-t-elle devenir une ville assiégée ?

Yémen, 16.03.2018

Yémen5 min

Yémen: « L'une de nos principales préoccupations concerne les combats et la possibilité que Hodeidah soit assiégée »

Mercredi 13 juin, les forces fidèles au président Hadi, soutenues par la coalition internationale dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ont officiellement lancé une offensive pour prendre la ville de Hodeidah, actuellement sous le contrôle d'Ansar Allah (Houthis). Près de 600 000 personnes vivent actuellement dans cette ville. 

La plupart des importations du Yémen passent par le port de Hodeidah, situé sur la mer Rouge, ce qui en fait l'un des rares canaux d’approvisionnements pour les habitants du nord du pays. 

MSF est en train d’augmenter sa capacité médicale dans la zone. Caroline Seguin, responsable du programme MSF au Yémen, revient sur la situation.

Quelle est la situation actuelle à Hodeidah ?

Les forces soutenues par la coalition combattent actuellement les troupes d'Ansar Allah pour le contrôle de l’aéroport de Hodeidah, situé à quelques kilomètres au sud du centre-ville. Il est très difficile d'évaluer la situation car nous n'avons pas encore de personnel MSF dans la ville même de Hodeidah, mais le personnel médical avec lequel nous travaillons a signalé des frappes aériennes et des tirs à l'intérieur de la ville.

Les troupes d'Ansar Allah sont très actives dans Hodeidah : elles creusent des tranchées, construisent des barricades et déploient des forces à proximité de zones civiles (quartiers résidentiels, hôpitaux et hôtels). Cette situation est très inquiétante. Le système d'eau de Hodeidah est affecté par ces tranchées et des pénuries d'eau ont été signalées par les résidents. L'électricité ne fonctionne plus depuis des années et les gens utilisent des générateurs, quand ils en ont les moyens.

Il est difficile d'estimer le nombre de personnes qui ont fui la ville jusqu'à présent. À l'intérieur de Hodeidah, des mouvements de population ont été observés depuis le sud de la ville, en direction du nord. Des familles ont fui vers les gouvernorats voisins de Dhamar et Ibb, ainsi que vers la capitale Sanaa, où elles peuvent louer des habitations ou être hébergées par des connaissances. Depuis le début de la guerre en mars 2015, le prix moyen du carburant a plus que doublé, et fuir Hodeidah aujourd’hui peut coûter très cher.

Que fait Médecins Sans Frontières dans la zone ?

Les équipes de MSF soutiennent les hôpitaux qui reçoivent et traitent les blessés dans la ville de Hodeidah, celle de Mocha ainsi que dans le district de Far Al Udayn, en fournissant des équipements médicaux et en formant le personnel médical. À Hodeidah, MSF a envoyé du matériel médical à l'hôpital Al Thawrah, le principal hôpital du gouvernorat, où sont soignés 80 % des résidents de Hodeidah. Nous allons également installer un hôpital de campagne près de Mocha, à 180 km au sud de Hodeidah. Les personnes avec lesquelles nous travaillons nous ont signalé que 30 à 60 blessés arrivent chaque jour à l'hôpital de Mocha depuis les lignes de front. 60 % d'entre eux sont des urgences vitales.

Nos équipes d’Aden répondent également à l'afflux de blessés venant des lignes de front entre Hodeidah et Taïz. Elles sont en train d’augmenter la capacité de l’hôpital MSF d’Aden de 80 à 110 lits grâce à des tentes supplémentaires. Depuis le début des affrontements en mai, l'hôpital a fonctionné à pleine capacité et plus de 150 patients, blessés pendant les affrontements, ont été traités. Parmi ces patients, 15 % sont des enfants et des adolescents de moins de 15 ans ; 80 % des patients sont des blessés par balle ou des victimes de bombardements, de missiles ou des mines terrestres. 

Le trajet pour rejoindre Aden peut prendre jusqu’à six heures et la plupart du temps ils sont transportés dans des états critiques. Le 23 juin, par exemple, nous avons reçu des civils blessés par des bombardements à Hays, une ville située à 130 km au sud de Hodeidah. Ils ont été blessés vers 11 heures à Hays, mais ne sont arrivés à Aden qu'à 18 heures.

Comment pensez-vous que la situation peut évoluer ?

L'une de nos principales préoccupations concerne les combats dans la ville et la possibilité que Hodeidah soit assiégée, avec des civils à l'intérieur de la ville. Les tranchées et les barricades, ainsi que les combats en cours, rendent de plus en plus dangereux le déplacement des civils, et des ambulances. 

Des cas de personnes blessées par des mines nous ont également été rapportés, sans qu’aucune ambulance ne soit capable de les atteindre et les prendre en charge. Nous craignons que l'accès aux structures de santé – telles que les urgences mais aussi les maternités ou les services de pédiatrie – devienne encore plus limité pour des communautés déjà affectées par plus de trois années de guerre.

Par ailleurs, la plupart des importations du Yémen, y compris l'aide humanitaire, passent par le port de Hodeidah, ce qui en fait un canal vital pour les Yéménites vivant dans le nord du pays, ainsi que pour l’assistance humanitaire. Pour le moment, le port est opérationnel, mais s'il venait à être fermé ou endommagé pendant les combats, cela aurait un impact important sur les opérations humanitaires et sur les prix des produits essentiels, comme la nourriture et le carburant.