Kenya: terre d’accueil pour les réfugiés ?
© Tom Maruko
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Lettre d’opinion de Kenneth Lavelle, responsable de programme pour MSF au Kenya, et Liesbeth Aelbrecht , cheffe de mission pour MSF au Kenya.
En annonçant la fermeture du camp de réfugiés de Dadaab le 6 mai dernier, le gouvernement kenyan met en danger la vie de près de 325 000 réfugiés qui vivent déjà dans des situations humainement dramatiques.
Le Ministre Kényan de l’Intérieur, Dr Karanja Kibicho, a exprimé publiquement son inquiétude quant à la faiblesse de la réponse de la communauté internationale à la crise des réfugiés. Médecins Sans Frontières (MSF) confirme l’insuffisance de cette réponse.
Les “doubles standards” de nombreux Etats occidentaux sont inacceptables. Tout en continuant à tourner le dos aux réfugiés fuyant la guerre, l'oppression et le désespoir, ces Etats continuent d'attendre que des pays comme le Kenya accordent leur protection à des centaines de milliers de réfugiés. Cette incohérence devient encore plus flagrante quand l'Union européenne signe un accord avec la Turquie, sous-traitant ainsi l'accueil de réfugiés à un pays susceptible de nier le droit d'asile.
Le gouvernement et le peuple kényans ont accueilli des milliers de personnes dans les camps de Dadaab pendant près d’un quart de siècle. Le Kenya peut en être fier. Plutôt que d’approuver les politiques aussi défaillantes qu’inhumaines de l’Union européenne, il est maintenant temps pour le Kenya de réaffirmer et de pérenniser sa tradition d’accueil. Le Kenya pourrait servir d’exemple en ce qui concerne l’accueil des personnes fuyant la guerre et la violence.
Son gouvernement affirme que Dadaab représente une menace pour la sécurité. Les équipes médicales de MSF ont été les témoins directs des conséquences des actes terroristes ayant visé le Kenya. En avril dernier, nos équipes ont porté secours et assistance aux victimes de l’horrible attaque de l’Université de Garissa, aux côtés du personnel du ministère de la Santé.
Le gouvernement kényan a certes la responsabilité de garantir la sécurité et de protéger sa population. Mais en vertu des conventions internationales sur les réfugiés dont il est signataire, le Kenya a également la responsabilité d’accueillir ceux qui fuient la guerre et les violences.
Il est inacceptable de punir les 325 000 réfugiés de Dadaab pour des actions menées par quelques-uns. Le conflit en Somalie fait rage depuis plus de 25 ans et les conditions pour un retour digne et en toute sécurité des réfugiés somaliens ne sont aujourd’hui pas réunies. L'accord tripartite (Kenya, Somalie et Haut-Commissariat pour les Réfugiés) pour un retour volontaire signé en 2013 est une bonne chose, mais sa mise en œuvre a été entravée, principalement par l'insécurité en Somalie.
Les camps de Dadaab n'ont jamais été conçus pour accueillir le nombre de personnes qui y vivent aujourd'hui. Ils sont donc surpeuplés et sous-financés. De plus, la proximité de la frontière somalienne les rend encore plus vulnérables à cause de l’insécurité qui règne dans ce pays voisin. Malgré les nombreux appels lancés, aucune solution alternative n'a été trouvée car il n'y a pas de volonté politique. Des milliers de réfugiés en paient aujourd'hui le prix fort.
Reconsidérer sa décision de fermer les camps serait pour le Kenya l’occasion unique de donner au reste du monde une « leçon d’asile ». Le Kenya pourrait ainsi montrer son attachement à la dignité humaine et au sort des centaines de milliers de réfugiés poussés dans l’enfer de l’exil par la guerre et les violences.
Médecins Sans Frontières gère un hôpital de 100 lits et deux centres de santé dans le camp de Dagahaley à Dadaab. En 2015, les équipes médicales ont fourni 182 351 consultations externes et admis 11 560 patients. Tous les financements pour les actions à Dadaab proviennent de donateurs privés.
© Tom Maruko