Kibera : faire face au Covid-19 dans l’un des plus grands bidonvilles d’Afrique.

Nairobi, Kenya, 06 avril 2020

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Lili-Marie Wangari, coordinatrice de la préparation aux situations d'urgence pour MSF au Kenya, travaille sur la réponse de l'organisation à l'épidémie de Covid-19. Elle apporte notamment son soutien à un centre de santé et aux efforts de santé communautaire à Kibera, l'un des plus grands bidonvilles d'Afrique. Il y a actuellement 320 cas au Kenya, dont la majorité se concentre dans la capitale, Nairobi. Lili-Marie explique son travail pour aider à protéger les plus vulnérables de la ville.

Lorsque nous avons entendu parler du Covid-19, nous avons pris contact avec le centre de santé de Kibera South. C'est un centre que MSF a construit et géré, avant d’en remettre la responsabilité mi-2017 au ministère de la Santé.

Kibera est une communauté que nous connaissons bien, nous y avons travaillé pendant plus de 25 ans. Pendant la crise du VIH/sida dans les années 1980, nous nous sommes occupés des gens à domicile, avons fait campagne pour l'accès aux traitements et avons été les premiers médecins à fournir des médicaments antirétroviraux aux patients dans un établissement de santé publique kenyan. 

Nairobi, Kenya, 06 Mai 2019

Portrait de Lili-Marie Wangari, coordinatrice de la préparation aux situations d'urgence pour MSF à Nairobi. Nairobi, Kenya, 06 Mai 2019

© MSF

Parce que nous connaissons Kibera, nous savons à quel point une épidémie peut être catastrophique pour la communauté : comme dans la plupart des bidonvilles, maintenir une distance physique est presque impossible. Les gens vivent dans des maisons minuscules et surpeuplées, avec peu de fenêtres ou d'autres moyens de ventilation. 

Ces conditions, en plus de faciliter la propagation d'une maladie comme le Covid-19, rendent toute tentative de confinement très difficile. De plus, l’accès à l'eau est extrêmement limité, avec seulement 200 points d'eau pour les quelque 200 000 personnes qui vivent dans le campement, ce qui rend le lavage régulier des mains illusoire. Dans ce contexte, les messages habituels de promotion de la santé ne s'appliquent tout simplement pas. 

Un risque accru par les comorbidités

Ma plus grande préoccupation est qu'une grande partie des gens souffrent de maladies sous-jacentes comme le VIH, la tuberculose et des maladies non transmissibles comme l'hypertension et le diabète. Ils sont exposés à un risque accru de développer une forme grave du Covid-19.

Bien que des soins de santé soient disponibles à Kibera, nous craignons qu'ils soient affectés par l'épidémie et réduits si les travailleurs de la santé tombent malades ou si les fournitures venaient à manquer. Tous les travailleurs de la santé ont besoin d'équipements de protection individuelle (EPI), mais ceux-ci deviennent coûteux, sont raréfient dans le monde et encore plus au Kenya. Cette pénurie est un énorme défi qui nous empêche de pouvoir faire plus pour les communautés que nous soutenons. 

Il existe d'autres facteurs sociaux ou économiques qui font courir des risques supplémentaires aux gens. La plupart vivent au jour le jour et doivent continuer à travailler pour pouvoir acheter de la nourriture. Cela implique de se déplacer dans la ville, de marcher ou de prendre les transports publics, y compris les trains extrêmement bondés qui traversent le bidonville, au risque d'être exposé à la maladie. 

Dépister et contrôler pour endiguer l’épidémie

Depuis deux semaines, une équipe MSF de sept personnes travaille dans notre ancien centre de santé. Ils ont mis en place un système de dépistage, géré par deux agents de santé communautaires sous une tente, à l'entrée de la clinique. Ceux-ci prennent la température des patients et contrôlent le nombre de personnes présent dans le centre de santé à tout moment. Un autre agent de santé communautaire et une infirmière aident au système de dépistage pour s'assurer que le flux de personnes est sûr et qu'elles restent à une distance raisonnable l'une de l'autre.

Si les gens ont de la fièvre, ils vont voir une infirmière MSF pour un examen de santé plus approfondi. Nous avons également un responsable clinique qui gère une chambre d'isolement pour les cas suspects, qui compte deux lits : c'est là que les personnes attendent avant d'être envoyées à l'hôpital gouvernemental pour y être testées et traitées si nécessaire. 

Nairobi, Kenya, 08 février 2017.

Image d'archive de Hamisi, le superviseur de la prévention et du contrôle des infections pour MSF, quisssssssss mesure un désinfectant à utiliser pour nettoyer une zone d'isolement pour les patients. Nairobi, Kenya, 08 février 2017.

© Yann Libessart/MSF

Les membres de notre équipe assurent également une formation et un soutien pour la prévention des infections et les mesures de contrôle. Ils s'assurent notamment que le personnel porte l'équipement de protection individuelle approprié, comme des masques et des gants, et qu'il y a un approvisionnement constant en eau pour le lavage des mains. Un responsable de l'hygiène clinique s'assure que les zones à haut risque sont maintenues propres.

En plus de veiller à la sécurité des patients dans l'établissement, nous voulons protéger les travailleurs de la santé - sans eux, il n'y aura pas de réponse à Covid-19 et nous pourrions voir une augmentation des décès dus à des problèmes de santé sans rapport avec l'établissement et pour lesquels les gens ne pourraient pas trouver de traitement. Dans notre travail en dehors de l'établissement de santé, nous devons encore plaider pour que les soins de santé à Kibera se poursuivent. Les maladies n'attendront pas. 

Notre équipe de santé communautaire diffuse également des messages de sensibilisation à la santé, et travaille avec d'autres groupes à Kibera pour installer des points d'eau afin d'améliorer la capacité des gens à se laver les mains.

En se déplaçant dans la communauté, les gens nous disent qu'en plus de se débattre avec l'impact économique de l'épidémie, ils ont peur. Nous entendons déjà des rapports de la communauté qui rejette les personnes qui, selon eux, pourraient avoir la Covid-19 et j'ai entendu des gens crier « corona » à la voiture MSF quand je me rends à la clinique. Il y a beaucoup de désinformation que nous devrons essayer de corriger dans les jours à venir.