L’intensification du conflit aux Nord et Sud-Kivu en 3 questions

Des personnes fuyant les combats arrivant au port de Kituku, à Goma.

République démocratique du Congo (RDC)3 min

Depuis quelques semaines, le conflit armé opposant le groupe armé M23/AFC à l’armée congolaise, appuyés par leurs alliés respectifs, a repris avec une intensité accrue dans la province du Nord-Kivu, et s’est étendu à la province voisine du Sud-Kivu. Alors que le M23/AFC est entré dans la ville de Goma, capitale provinciale, nous sommes particulièrement inquiet·ète·s pour la sécurité de la population civile et déplacée aux alentours de la ville ainsi que pour le bien-être de notre personnel sur place. Emmanuel Lampaert, représentant de Médecins Sans Frontières (MSF) en République démocratique du Congo (RDC), fait le point sur la situation et notre réponse. Propos recueillis le 24 janvier 2025.

Quelle est la situation actuelle aux Nord et Sud-Kivu ?

Depuis décembre 2024, plusieurs fronts ont été ouverts dans les deux provinces pour le contrôle de certaines positions clés. Au cours des hostilités, le M23/AFC est parvenu à prendre le contrôle de plusieurs villes et, depuis quelques jours, les combats se rapprochent de Goma, la capitale provinciale, avec notamment d’intenses affrontements à Sake, ville située à une vingtaine de kilomètres à peine de Goma. On entend régulièrement des détonations d’artillerie depuis Goma. Les combats ont lieu sur tous les axes qui entourent Goma, et ont entraîné un nouvel afflux de déplacés vers la ville, vu la situation de panique.

Comment la population est-elle impactée ?

Sans surprise, les conséquences humanitaires sont très lourdes. D’après les Nations Unies, 400 000 personnes ont fui les affrontements en janvier. Des dizaines de milliers d’entre elles se sont rendues dans les sites de déplacement autour de Goma, où vivaient déjà plus de 650 000 personnes, épuisées par près de trois années de combats. Ces sites sont totalement insalubres, comme nous en témoignons depuis trop longtemps. Les familles y survivent sans abri convenable et manquent de tout : nourriture, eau, soins de santé...

Tandis que les combats s’approchent, la population fuit les camps de déplacé·e·s pour rejoindre Goma.

Tandis que les combats s’approchent, la population fuit les camps de déplacé·e·s pour rejoindre Goma. Photo prise dans le camp de Nzulo, le 22 janvier 2025.

© Moses Sawasawa

Malheureusement, ces sites ne sont pas épargnés par les combats. Des roquettes sont tirées près de ces camps ou de structures de soins où les gens sont venus chercher un abri. C’est affolant et inacceptable. Nous constatons d’ailleurs un taux très inquiétant de civils parmi les centaines de blessés que nous aidons à prendre en charge. Certains sont victimes de balles perdues, mais d’autres sont victimes du non-respect de certaines règles élémentaires du droit international par les belligérants. A Masisi par exemple, l’hôpital que nous soutenons a essuyé des tirs alors que plus de 10 000 personnes y étaient réfugiées pour leur sécurité. Deux personnes ont été touchées juste devant l’hôpital, et deux membres de notre personnel ont été blessés par un tir de roquette. La présence de combattants ou de postes d’artillerie à proximité directe de structures de soins et des camps de déplacé·e·s met directement en danger la vie des populations. Il est crucial que chacun se rappelle que même la guerre a des règles.

Quelle est la réponse de Médecins Sans Frontières ?

Nous faisons le maximum pour maintenir nos activités, mais nous avons dû réduire nos équipes dans certaines localités. Autour de Goma, par exemple, la violence armée qui affecte directement certains sites a réduit notre capacité à nous y rendre, même si nous continuons, dès que les conditions le permettent, de soutenir des structures médicales. Nous les préparons également à gérer les afflux de blessé·e·s et apportons du carburant pour faire tourner les pompes à eau. Cela permet à ces structures de continuer à fonctionner, même avec une présence plus limitée de nos équipes.

A Goma même, où les hôpitaux sont totalement débordés, nous continuons d’appuyer l’hôpital de Kyeshero afin de prendre en charge une partie des blessé·e·s. Dans le reste du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, malgré les défis sécuritaires et logistiques ainsi que les restrictions de mouvements, nous maintenons notre présence. En trois semaines, près de 400 patient·e·s blessé·e·s ont déjà été pris en charge à hôpital général de référence de Minova, au centre hospitalier Numbi et à hôpital général de référence de Masisi. Nous continuons aussi de soutenir les personnes déplacées dans les zones plus reculées, comme dans le Lubero où nous travaillons à l'amélioration de l'accès à l'eau dans les structures de santé et dans le site de déplacé·e·s de Magasin.

Activités de MSF aux Nord et Sud-Kivu.

Nos activités dans la région. Janvier 2025

© MSF