Malnutrition au Tchad: l’urgence et l’urgence d’en sortir
© Catherine Robinson/MSF
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Le pic annuel de malnutrition ne fait que commencer au Sahel. Mais dans certaines régions du Tchad la situation est déjà plus critique que d’habitude.
D’ici quelques semaines, les pluies vont rendre inaccessibles de vastes portions du Tchad, rendant l’accès aux enfants souffrant de malnutrition impossible. Pour MSF, les semaines qui viennent sont donc une course contre la montre pour répondre à l’urgence. Cette réponse s’ajoute à des programmes de traitement et prévention de la malnutrition qui se déroulent tout au long de l’année.
Dans les cinq projets nutritionnels de MSF au Tchad, plus de 500 enfants sévèrement malnutris sont admis chaque semaine. Comme chaque année, les stocks de nourriture s’épuisent, tandis que les premières récoltes dans la partie sahélienne du pays ne seront là que dans deux mois. En 2012, la conjugaison de mauvaise pluviométrie et de l’augmentation des prix des denrées alimentaires a engendré une situation nutritionnelle plus aiguë que d’habitude.
«Le problème de la malnutrition au Tchad n’est pas nouveau: on estime que, tout au long de l’année, plus d’un enfant sur dix souffre de malnutrition aiguë dans la zone sahélienne du pays, rappelle Alexandre Morhain, chef de mission MSF au Tchad. Une mauvaise récolte, une flambée épidémique, comme celle de rougeole en début d’année, ou la combinaison des deux peut alors faire basculer des dizaines de milliers d’enfants dans la malnutrition.»
Situation inquiétantes dans certains villages
Dans certains villages du Batha ou du Salamat, des évaluations menées par MSF en février avaient montré des taux de malnutrition aiguë supérieurs à 20%, signe d’une situation particulièrement inquiétante. A Am Timan, également dans l’est, les enfants admis dans le programme nutritionnel MSF entre janvier et mi-juin sont en augmentation de presque 30% par rapport à la même période de 2011. Et dans le district de Bokoro, à l’est de N’Djamena, une évaluation rapide menée fin juin a montré des taux de malnutrition aiguë supérieurs à 13%.
Les alertes précoces lancées par les autorités tchadiennes et les acteurs humanitaires ont permis de déployer une réponse en urgence dès l’hiver dernier. Cette année, 127 000 enfants sévèrement malnutris devraient être soignés dans le pays, soit le double de l’année dernière.
MSF participe à cette réponse en développant ses programmes existants et en ouvrant trois projets supplémentaires. A Massakory, où MSF mène déjà un projet pédiatrique et nutritionnel, deux nouveaux centres de traitement décentralisés seront ouverts, tandis qu’au centre nutritionnel MSF d’Am Timan 20 lits d’hospitalisation supplémentaires ont été mis en place pour faire face à l’afflux d’enfants sévèrement malnutris. De nouveaux projets ont également démarré à Biltine, Abou Deïa et Yao, dans l’est et dans le centre du pays.
Dans le pays, le nombre de centres de traitement de la malnutrition a doublé en un an, et les distributions de nourriture par les acteurs de l’aide - y compris des suppléments nutritionnels adaptés aux besoins des jeunes enfants -, ont commencé dans plusieurs régions du pays.
Routes bientôt impraticables
Toutefois, poursuivre ces activités avec la saison des pluies va s’avérer complexe. La population est dispersée dans les zones sahéliennes du pays, les routes sont des pistes sablonneuses et les distances entre les villages importantes. Réussir à atteindre tous les enfants malnutris demande déjà à déployer des moyens importants. Or, les premières pluies viennent de démarrer et, dans quelques semaines, de nombreuses routes seront impraticables.
A Yao, MSF mène ainsi une véritable course contre la montre pour essayer de soigner le plus grand nombre d’enfants possible, avant que l’accès à la plupart des villages ne devienne impossible. Les équipes se rendent sur 18 sites de consultation périphériques et mettent en œuvre un dépistage actif des cas de malnutrition, sans attendre que l’enfant soit gravement malade.
«Au Tchad, comme dans les autres pays du Sahel, la réponse en urgence ne devrait pas être la seule option. On a presque l’impression que l’on découvre le problème de la malnutrition comme si c’était nouveau, alors qu’il est récurrent et structurel, explique Michel-Olivier Lacharité, responsable des programmes MSF au Tchad. A côté des interventions en urgence à déployer là où la situation est particulièrement grave, le traitement et la prévention de la malnutrition devraient se faire tout au long de l’année, en intégration avec les autres soins de base des enfants, comme la vaccination de routine.»
A Massakory, dans la région du Hadjer Lamis, le projet MSF mené depuis 2010 vise à rechercher des stratégies pour rendre possible cette intégration. En plus d’un centre d’hospitalisation de 200 lits et du soutien à 11 aires de santé, le dépistage et le traitement de la malnutrition se font dans les villages, par le biais de personnel non médical formé par MSF. Ceci permet à la fois de traiter un grand nombre d’enfants de façon précoce, avant que leur état ne devienne critique, et de soulager les centres de santé. Un enjeu dans un pays où le nombre de personnels de santé est largement insuffisant pour faire face aux besoins.
Mi-juin, quelques 10 000 enfants sévèrement malnutris avaient été soignés dans les centres nutritionnels de MSF au Tchad. Au total, environ 500 personnels tchadiens et internationaux sont mobilisés dans 5 hôpitaux spécialisés et plus de 40 centres nutritionnels ambulatoires.
Des évaluations continuent d’être menées dans différentes parties du pays et MSF se tient prête à démarrer de nouveaux programmes dans les semaines à venir.
Les autres activités de MSF au Tchad
Au Tchad, MSF mène des activités de prise en charge des fistules vésico-vaginales à Abéché, dans l’est du pays, et de prise en charge du paludisme à Moïssala, dans le Sud. Au mois d’avril, l’association a répondu à une épidémie de méningite en soignant plus de 3 100 cas et en vaccinant 470 000 personnes. Entre janvier et mai 2012, MSF a également vacciné plus de 20 000 enfants contre la rougeole.
© Catherine Robinson/MSF