«Le Mexique n’est pas une option pour ma famille»
© Arlette Blanco/MSF
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Actuellement au Mexique, des milliers de migrants et de demandeurs d'asile vivent dans des abris ou dans les rues de Reynosa, Mexicali et Nuevo Laredo, des villes frontalières avec les Etats-Unis, fortement exposés à la violence. Ils vivent dans l'incertitude car le gouvernement américain les a obligés à rester au Mexique, même pour ceux qui ont déposé légalement leur demande d'asile aux Etats-Unis. Tous craignent pour leur sécurité et ne voient pas de perspectives pour la suite.
Dans ces villes, les abris où les migrants et les demandeurs d’asile peuvent se réfugier sont rares, et la plupart ont déjà atteint leur capacité d’accueil maximum. Ceux qui n’ont pu trouver une place ont été obligés de dormir dans la rue, avec peu d’argent en poche et aucun accès aux services de santé ou à une assistance légale.
Même si l’administration américaine continue d’invoquer « l’état d’urgence » à la frontière mexicaine, la vraie crise se trouve au niveau des traitements inhumains et de la violence terrible subis par les migrants et demandeurs d’asile dans leur pays d’origine. C'est cette violence, qui sévit au Guatemala, au Honduras et au Salvador, qui pousse des milliers de familles à prendre la décision de fuir pour survivre. Pourtant, ces exactions se répètent. Ils ont pris la route pour s’échapper de cette violence, mais plus d'une fois au Mexique, au cours de leur voyage, ils y ont été confrontés à nouveau.
« A ce niveau de la frontière, dans la ville de Nuevo Laredo, les kidnappings sont fréquents en ce moment, alors les migrants évitent de passer dans les rues parce que c'est très dangereux », explique Felipe Reyes. Felipe est psychologue MSF et vient en aide aux migrants, aux demandeurs d'asile et aux Mexicains déportés dans deux refuges de la ville, La Casa Amar et Casa del Migrante Nazaret. Dans ces abris, MSF offre une assistance médicale, psychologique et sociale à des centaines de personnes qui arrivent ici.
« Cette situation est très difficile pour eux, ils doivent gérer tristesse, dépression, sentiment de culpabilité et pensées suicidaires. Ils souffrent de troubles du sommeil et d'anxiété parce que les listes d'attente pour entamer les procédures d'asile sont très longues et qu'il n'y a aucune certitude d’obtenir l’asile », ajoute Felipe Reyes. Avec ses collègues MSF, Felipe Reyes est chaque jour témoin de ces traumatismes.
José est Hondurien, il a été victime de vols et subit des agressions pendant son trajet vers le Mexique. Il est parti avec sa sœur et son frère pour atteindre la frontière mexicaine où ils avaient l’intention de déposer leur demande d’asile, car des gangs au Honduras les avaient menacés de les tuer. Mais ils n’ont pas trouvé la sécurité au Mexique non plus. Il raconte avec douleur le kidnapping de sa sœur lorsqu’ils sont arrivés à Nuevo Laredo.
« Quand nous sommes descendus du bus, des hommes nous ont tiré à l’écart mon frère et moi et ont emmené ma sœur ailleurs. Après quelques heures, nous avons été relâchés, mais pas elle. Nous n’avons toujours pas eu de nouvelles depuis. Nous avons payé une rançon de 5 000 dollars, c’était tout ce que nous possédions, mais ils ne l’ont pas libérée. Je ne sais pas qui pourrait nous aider. Nous ne faisons pas confiance à la police . Notre plan était d'entamer le processus de demande d'asile aux Etats-Unis mais maintenant, je ne partirai pas d’ici tant que je ne saurai pas ce qui lui est arrivé. »
Mon rêve n’a jamais été le rêve américain. J’ai eu une belle vie avec ma famille mais ils [les gangs] ne nous ont pas laissé le choix.
Pour ces hommes et ces femmes qui ont fui la violence de leur pays d'origine avec leur famille, les équipes MSF observent combien il est difficile pour eux de trouver leur place, leur nouvelle identité. Ils doivent faire cohabiter leur désir de construire une nouvelle vie pour leurs enfants, la terreur dans laquelle ils vivent au Mexique et la peur de devoir retourner dans leur ancien foyer.
« Depuis deux ans, nous subissons des extorsions, et ce sera le cas jusqu’au jour où nous ne pourrons plus payer. J’ai hypothéqué ma maison et vendu tout le reste » se souvient Margarita, une Guatémaltèque de 36 ans, qui est arrivée à la frontière mexicaine avec son mari et ses trois filles âgées de 16, sept et six ans. « Mon rêve n’a jamais été le rêve américain. J’ai eu une belle vie avec ma famille mais ils [les gangs] ne nous ont pas laissé le choix. Nous voulons respecter les procédures. On nous a donné un visa humanitaire, mais le Mexique n’est pas une option pour nous » ajoute-t-elle. Pour cause : elle a failli se faire kidnapper à la gare routière de Nuevo Laredo. « Ils voulaient prendre mes filles. J’ai crié de toutes mes forces et nous avons réussi à nous échapper. Nous allons patienter ici, comme on nous a dit de le faire, avant de déposer une demande d’asile aux Etats-Unis. »
Margarita est résignée : elle sait qu’elle n’a pas d’autre choix pour le moment.
Malgré son âge, la plus jeune des enfants de Margarita est consciente de de la situation difficile qu’à dû traverser sa famille. Quand sa mère lui demande si elle veut retourner au Guatemala, elle répond sans hésitation : « Non, parce que là-bas, ils te tuent. »
© Arlette Blanco/MSF