Niger: à Magaria, prévenir le paludisme en traitant l’eau dans les communautés
© Mario Fawaz/MSF
Niger6 min
À Haramia comme dans 14 autres villages de la commune de Bandé dans le sud du Niger, les villageois et villageoises vivent une saison pluvieuse différente des années précédentes. Dans ces 15 villages, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont lancé des activités de traitement de points d’eau pour prévenir le développement des larves de moustiques qui propagent le paludisme.
Houdou Oumaro, le chef du village de Haramia, s’assied tranquillement devant sa maison. « Contrairement au passé, je m’assieds davantage dehors et sans aucun soucis. Les moustiques ne nous dérangent plus. En fait, nous constatons une diminution des cas de paludisme chez les enfants du village, y inclus les miens », dit-il en souriant. Depuis le mois de juin, une équipe MSF visite Haramia parmi tant d’autres villages dans la commune de Bandé pour traiter les différents points d’eau, qu’ils soient des puits de jardins, des pompes d’eau ou des mares.
Nous vivons grâce à cette eau. Toutes nos familles boivent l’eau de ces pompes et utilisent l’eau des puits pour la cuisine et pour le ménage. Même notre bétail vit de cette eau.
Cette région du Niger est bien connue pour être l’une des régions les plus riches en eau du pays. C’est aussi une zone à haut niveau de pluviométrie, l’une des plus élevée du Niger.
Des espaces pour la ponte des œufs et le développement des larves de moustiques
Pourtant, ces grandes quantités d’eau, très proches des lieux d’habitation, sont des habitats et lieux de ponte des moustiques : ils abritent différents types de moustiques, dont les anophèles qui sont responsables de la transmission du paludisme tout au long de l’année. Avec les pluies, les surfaces d’eau augmentent de 3 à 4 fois en créant plus d’espaces pour la ponte des œufs et le développement des larves de moustiques.
Dr Sanjiarizaha Randriamaherijaona est entomologiste pour Médecins Sans Frontières, chargé de l’implémentation de nouveaux projets de lutte vectorielle dans plusieurs pays. « Nous avons lancé cette activité avant la saison des pluies en intégrant toutes les activités nécessaires de prévention, et en tenant compte du contexte environnemental et la situation entomologique dans une zone où le taux de paludisme est élevé, afin de réduire l’incidence du paludisme dans ces villages », explique-t-il. « Cela se fait en réduisant la longévité des moustiques qui vivent dans ces points d’eau et en empêchant le développement des nouvelles larves », ajoute-t-il. Il est arrivé au Niger en mai 2021 pour travailler avec les équipes MSF et les communautés.
Identifier et traiter les surfaces et points d’eau
L’engagement communautaire reste toujours un aspect vital pour le déroulement de cette activité. Avec l’aide des villageois, les agents MSF se rendent aux différents points d’eau dans les villages pour identifier et traiter les surfaces et points d’eau fréquentés par les communautés.
L’insecticide utilisé ne réagit pas instantanément, c’est pourquoi les équipes se rendent dans les villages toutes les trois à quatre semaines. Il est très important de respecter le chronogramme des visites pour éviter que les larves ne deviennent résistantes à l’insecticide. La dose du produit utilisée reste faible en accord avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, sans causer aucun risque sur la vie des personnes, du bétail et de l’environnement. « En respectant la dose recommandée, l’impact reste négligeable sur le plan écologique. C’est une de nos conditions de travail, mais aussi une des préoccupations des communautés », ajoute Dr Randriamaherijaona.
Le choix des villages a été fait en fonction des données médicales disponibles pour les années précédentes, en particulier du taux d’admission élevé des cas de paludisme au sein de l’unité pédiatrique de l’hôpital Magaria, où nous appuyons les autorités sanitaires, ainsi que des lieux de provenance de ces derniers. Il est trop tôt pour mesurer un changement positif. Les activités sont toutefois toujours en cours, et l’impact réel sera véritablement apprécié à la fin de la période des pluies qui dure jusqu’octobre.
Mais les villageois commencent à voir un changement sur leur niveau. Mariatou Habou s’assied près d’Houdou. Elle est maman-lumière au village de Haramia, formée par MSF pour sensibiliser les personnes de son village sur le paludisme et détecter les cas précocement, pour prévenir que leur état clinique se dégrade et qu’ils arrivent à l’hôpital. Auparavant, elle recevait tous les jours plus de 10 enfants affectés par le paludisme. Mais depuis que les activités de traitement des eaux ont commencé, le nombre des enfants qu’elle reçoit a drastiquement diminué. Son plus grand souhait est que le paludisme soit totalement éradiqué de son village.
Au début, les habitants des villages étaient quelque peu méfiants face à cette nouvelle activité, tout en étant curieux. Ils voulaient pouvoir bénéficier d’une solution durable pour lutter contre le paludisme, mais ne connaissaient pas suffisamment l’impact de larvicides sur les eaux qu’ils utilisent au quotidien. Une équipe de promotion de la santé de MSF visite les villages à plusieurs reprises pour expliquer aux habitants la nature des activités et répondre à leurs questions et préoccupations.
« Nous sommes 9 dans la famille. Nous travaillons dans les champs et nous avons du bétail. J’avais peur que le produit utilisé ne tue mes plantations et mes vaches », raconte Saïdou Moussa, un villageois de Haramia qui a perdu trois de ses enfants à cause du paludisme.
Nous avons été informés au préalable que le produit de traitement de l’eau ne constitue aucun danger sur la vie des gens et des animaux. Je suis rassuré de voir qu’aucun problème n’a été causé jusqu’à présent, deux mois après le début des activités.
De moins en moins de cas de paludisme enregistrés
Les activités ont déjà commencé à montrer leur efficacité dans les 15 villages. De moins en moins de cas de paludisme y sont enregistrés, un fait qui soulage les communautés. Les activités se sont intensifiées durant la saison des pluies qui s’étend habituellement de juillet à octobre, et se poursuivront dans les mois d’après.
En plus de cette activité de traitement des eaux, les équipes MSF ont lancé en août une activité de pulvérisation d’insecticide intra-domiciliaire dans 9 autres villages situés dans la commune de Maidamoussa, dans le département de Magaria. Ces activités de prévention au niveau communautaire viennent en support des efforts faits par les équipes médicales afin de répondre au pic paludisme dans cette région.
Si les résultats s’avèrent positifs à la fin de la saison des pluies, l’activité de traitement des eaux pourra constituer une solution efficace et durable pour la prévention du paludisme dans des endroits à forte incidence de la maladie, comme Magaria.
MSF a travaillé pour la première fois au Niger en 1985 et mène actuellement des programmes dans cinq régions du pays en appui au Ministère de la santé publique (Maradi, Zinder, Diffa, Agadez, Tillabéry). Ses activités visent notamment à améliorer la santé des femmes et des enfants de moins de cinq ans, fournir des services médico-nutritionnels, porter secours aux populations déplacées et aux victimes de violences, et participer à des ripostes vaccinales contre la rougeole et la méningite et à la réponse aux épidémies.
© Mario Fawaz/MSF