Reprise des combats au Myanmar : nos équipes décrivent les difficultés auxquelles elles sont confrontées

MSF Aide Humanitaire Myanmar Kyein Ni Pyin

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Le 13 novembre 2023, un cessez-le-feu informel qui durait depuis un an dans l’État de Rakhine a été rompu, ouvrant une nouvelle période de violence dans cette région de l’ouest du Myanmar. Des centaines de milliers de personnes ont été poussées à la fuite, tandis que MSF a été témoin d’infrastructures de santé endommagées ou laissées à l’abandon. De plus, de sévères restrictions de mouvement empêchent MSF de déployer ses 25 cliniques mobiles, qui assuraient environ 1 500 consultations par semaine, privant de nombreux patients d’accès aux soins. Malgré les efforts de nos équipes pour contourner ces restrictions de mouvement, comme par exemple la mise en place de téléconsultations, désormais seuls les agents de santé communautaires recrutés localement ont accès aux patients. Ils et elles décrivent comment la situation s’est détériorée et les difficultés auxquelles ils et elles font faces.

Aung Aung (nom modifié) est un agent de santé communautaire MSF travaillant dans la clinique Ann Thar à Min Bya, dans l’Etat de Rakhine. Cette clinique fournit des soins à plus de 4 000 personnes déplacées internes des communautés arakanaise et rohingya. Mais depuis le 13 novembre, MSF n’est plus en mesure de soutenir cette clinique. L’hôpital général de Min Bya, où nos équipes référaient les patient·e·s urgent·e·s, a même pris feu le 17 novembre.

« Nous ne sommes plus en sécurité »

« C’est très clair : la situation depuis le retour des combats a totalement changé. Avant, je pouvais travailler régulièrement et en paix. Avec le conflit actuel, ce n’est plus possible. Au contraire, je suis en permanence sur le qui-vive. Je ne me sens plus en sécurité dans la rue, donc je fais des détours par les champs. »

« En tant qu’agent de santé communautaire, mes capacités médicales sont limitées. Dans cette situation, le mieux que je puisse faire est de téléphoner aux médecins et prendre soin des patient·e·s selon leurs instructions. Seulement, le réseau mobile ne fonctionne pas toujours, m’empêchant parfois de les joindre. On essaye quand même de faire ça chaque semaine. »

« Je m’inquiète pour nos patient·e·s dans le village. Celles et ceux qui auront des urgences ou qui ont besoin de prescriptions mensuelles vont faire face à des difficultés dans le futur. Tant que les routes seront bloquées et que les combats continueront, les cliniques et pharmacies de Min Bya resteront fermées. »

« Nous craignons pour le futur »

Egalement dans l’Etat de Rakhine, la ville de Pauktaw a été très touchée par les récents combats, causant des déplacements massifs et poussant l’hôpital de la ville à fermer ses portes. Les mouvements, y compris vers et depuis les camps de déplacé·e·s, ne sont plus possibles. Le transport de patient·e·s ayant besoin de soins urgents et vitaux devient de plus en plus complexe. Le camp de Kyein Ni Pyin, dans les environs de Pauktaw, héberge plus de 7 500 personnes déplacées, en majorité des Rohingyas qui s’y sont installé·e·s depuis 2012. C’est là-bas que Min Thu (nom modifié) œuvre en tant qu’agent de santé communautaire pour MSF.

« Je donne des cours sur la santé à la communauté du camp. J’aide aussi pour plusieurs autres choses, comme par exemple la traduction entre les patient·e·s et les docteur·e·s. Lorsqu’il y a des urgences, je redirige les patient·e·s vers la clinique. »

MSF Aide Humanitaire Myanmar Kyein Ni Pyin

File d’attente devant une clinique mobile MSF, avant la rupture des activités en novembre 2023.

© Zoe Bennell/MSF

 

« En raison du conflit actuel, nous faisons face à des difficultés d’approvisionnement et de transport. Nous ne recevons plus de rations de nourriture de façon régulière et les prix sont très élevés. Avant, nous pouvions nous déplacer dans la zone si l’on prévenait les autorités de nos mouvements, mais aujourd’hui c’est complètement interdit. Toute notre équipe au bureau de Sittwe fait de son mieux pour s’assurer que nous recevions des médicaments et des fournitures, lorsque cela est possible. Nous n’avons plus la capacité d’ouvrir notre clinique comme auparavant, ce qui affecte fortement nos patient·e·s »

« Nous craignons pour le futur. Si nous ne parvenons pas à rouvrir nos cliniques à cause du conflit et des restrictions de mouvement, nos patient·e·s en paieront le prix. »

« Ce qui me préoccupe le plus dans l’immédiat c’est que les gens puissent manger et se faire soigner »

Plusieurs camps de déplacé·e·s internes, peuplés majoritairement par des personnes d’ethnie arakanaise fuyant les conflits depuis 2019, se situent proche de Rathedaung. Lorsque les récents combats ont atteint la ville, ces personnes déjà déplacées se sont enfuies dans des zones encore plus rurales. Yan Naing (nom modifié) est l’une d’entre elles.

« En ce moment, des combats ont lieu près de nos camps. Les personnes vivant là ont dû évacuer. Tout le monde a dû s’enfuir et trouver refuge ailleurs, dans un endroit où ils se croient en sécurité. Je suis l’un d’entre eux. »

MSF Aide Humanitaire Myanmar Rathedaung

Campements dans un des camps de déplacé·e·s internes non loin de Rathedaung, hébergeant des populations arakanaises. Octobre 2023.

© Zoe Bennell/MSF

« Je ne crois pas que l’on puisse déjà revenir en ville à cause des combats. Les gens ont peur de trop se déplacer car il y a des rumeurs selon lesquelles des civil·e·s sont arrêté·e·s ou servent de boucliers humains. »

« C’est très difficile et inconfortable pour nous de devoir nous réinstaller dans différents endroits. Nous sommes constamment en fuite. La pénurie des biens les plus basiques nous impacte aussi fortement. Lorsque nous devons nous déplacer, il n’y a pas d’électricité, donc nous devons préserver nos batteries de téléphone autant que possible. »

« Dans nos camps, certains de nos patient·e·s régulier·ère·s souffrent de maladies non transmissibles. Ils et elles se rendent dans nos cliniques depuis longtemps. Dorénavant, je dois vérifier avec notre médecin s’il sera possible de leur fournir leurs traitements lorsqu’ils n’en auront plus en stock. »

« Etant donné que les déplacements sont interdits, des patient·e·s qui devraient se rendre à la clinique ne peuvent pas le faire. Le manque de nourriture affecte également les gens. Ce qui me préoccupe le plus dans l’immédiat c’est que les gens puissent manger et se faire soigner. »