À Reynosa, MSF prend en charge migrants et déportés
© Christina Simons
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MSF travaille à Reynosa depuis 2017 pour soigner les victimes de violence dans la ville. L’organisation a récemment commencé à dispensé des soins mentaux et médicaux aux migrants dans deux centres, ainsi qu’à l'Institut Tamaulipas pour Migrants (ITM).
La première chose que l’on remarque en entrant à la Casa Migrante Guadalupe, un refuge de courte durée pour migrants à Reynosa, c’est la tristesse et l'anxiété sur les visages de ceux qui l’occupe. Nombre d'entre eux ont récemment été expulsés des États-Unis ou se sont vu refuser l'entrée sur le territoire américain.
La situation de chaque personne à la Casa ou à l'ITM est différente. Certains ont fui leur foyer pour échapper à la violence. Ils espéraient un avenir meilleur, mais leur rêve s’est envolé lorsqu'ils n'ont pas été en mesure d'atteindre leur destination finale. D'autres ont vécu de nombreuses années aux Etats-Unis avant d'être expulsés, forcés de laisser leur vie entière derrière eux. Certains essaient de renouer avec des membres de leur famille qu'ils n'ont pas vus depuis longtemps, s'ils ont la chance d'avoir encore des membres de leur famille au Mexique.
Des parcours migratoires uniques, avec comme seul point commun la violence
Pablo est l'un de ces déportés.* Il a vécu aux États-Unis pendant plus de 20 ans, avant d'être expulsé au Mexique, un pays qu'il a quitté il y a longtemps. Il doit désormais essayer de reconstruire sa vie à partir de rien.
« J'ai vécu en Alabama pendant plus de 20 ans. Après qu'une fausse accusation ait été formulée à mon encontre, accusation qui n’a jamais été prouvée, j'ai été déporté au Mexique. Ma famille est restée aux Etats-Unis. Désormais, mon plan est de retourner à Veracruz et de revoir mes frères et sœurs. »
Pour chaque migrant, le voyage vers une vie meilleure est compliqué et dangereux. Dans une enquête récente, menée par MSF, 98% des migrants du refuge de Reynosa avaient vécu une situation de violence. En général, ils ont été victime de vol, d’enlèvement ou d'extorsion, pendant leur voyage ou juste avant de quitter leur pays d'origine.
Ruth*, mère de quatre enfants, a quitté le Honduras il y a cinq mois pour échapper à une vie de violence quotidienne. Son mari a été enlevé avant d’être relâché et, par conséquent, la famille a fui pour avoir la vie sauve. Leur voyage a été ardu : ils ont dû dormir dans la rue et faire face à des agressions. MSF a été en mesure de les aider avec des soins médicaux et de santé mentale.
En tant que migrants, nous avons tout risqué. C'est une situation où l'on a tout à gagner, mais où l'on peut aussi tout perdre. C'est très difficile de prendre la route, mais nous avons été forcés de le faire parce que la violence et le manque d'opportunités ont rendu la vie au Honduras impossible.
Les séquelles psychiques sont extrêmement courantes
Bien que leurs histoires diffèrent, tous les patients que MSF soigne à Reynosa ont été affecté par l'incertitude et la peur de l’avenir.
« A cause de ce qu'ils ont vécu, ils arrivent anxieux, avec beaucoup de tensions musculaires et de problèmes de sommeil. Ils sont très inquiets parce qu'ils n'ont pas de famille ici ou parce qu'ils ont perdu contact avec eux, en quittant le Mexique très jeunes ou en laissant leur famille aux États-Unis. » explique Nora Valdivia, psychologue du projet MSF.
Leur avenir est incertain et nous diagnostiquons des patients anxieux et dépressifs, à cause de la séparation et de la perte de leur stabilité économique.
Tous les rêves des personnes déportées disparaissent à leur arrivée au Mexique. Beaucoup ignorent complètement les lois, la monnaie, les coutumes et même la langue. Et dans de nombreux cas, ils ont fait l'objet de longues procédures d'expulsion.
« Nous voyons des patients souffrant d'anxiété causée par le fait d'être incarcérés pendant plusieurs mois, parfois jusqu'à une année entière, dans des centres de détention. Durant leur séjour, ils développent des troubles mentaux. Avec les femmes, en particulier celles qui tentaient de traverser la frontière, nous nous occupons aussi des cas de violence sexuelle », ajoute Nora Valdivia.
MSF fournit des services vitaux à ces personnes, y compris des services médicaux gratuits et des consultations en santé mentale. MSF offre également une orientation en travail social, en particulier en ce qui concerne l'accès à des documents de base qu'elles n'ont pas ou n'ont jamais eus.
*Pour des raisons de sécurité, les prénoms ont été modifiés.
© Christina Simons