Somalie: des camps de chirurgie ophtalmologique pour recouvrer la vue

Une vingtaine de patient.e.s assis.e.s patientent suite à leur opération.

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Au Jubaland, MSF apporte son soutien au ministère de la Santé depuis 2019, en organisant des camps de chirurgie ophtalmologique pour des patients au Jubaland et dans ses alentours.

« C’est toujours gratifiant de voir des personnes recouvrer la vue, parfois après de nombreuses années de cécité, explique Mohamed Ahmed, coordinateur de projet pour MSF au Jubaland, dans le sud de la Somalie. Nous opérons de grands changements dans la vie de ces gens en leur amenant un service assez simple, gratuitement, en sachant qu’elles n’auraient pas les moyens de se l’offrir autrement. »

Les sourires sur les visages des personnes quand elles voient à nouveau sont inoubliables.

Mohamed Ahmed, coordinateur de projet pour MSF au Jubaland

Les camps de chirurgie ophtalmologique, qui sont organisés dans des hôpitaux de la région, offrent une prise en charge des yeux gratuite, allant du dépistage à la chirurgie, en passant par des traitements, de l’éducation sur la santé et des conseils spécifiques. Depuis 2019, une équipe d’ophtalmologues a pu soigner des milliers de personnes souffrant de pathologies oculaires et a aidé un certain nombre d’entre eux à recouvrer la vue. 

Les problèmes oculaires, comme beaucoup d’autres problèmes de santé en Somalie, ne sont souvent pas traités. Des pathologies courantes comme la cataracte mènent trop souvent à la cécité par manque d’accès aux traitements. Perdre la vue est souvent synonyme de perte d’emploi, ce qui peut être particulièrement accablant dans un pays affecté par les conflits et la pauvreté. C’est pourquoi une chirurgie relativement simple peut avoir un impact immense sur la vie des patients, en augmentant leurs chances de vivre une vie en bonne santé et dans la dignité. 

En Somalie, les indicateurs sanitaires sont parmi les plus bas du monde, et le système de santé débordé donne la priorité aux soins essentiels d’urgence. Les services ophtalmologiques spécialisés sont quasiment inexistants dans certaines régions de Somalie, et les rares ophtalmologues que compte le pays se concentrent dans les grandes villes. 

Il n’y a pas de cliniques ophtalmologiques dans les villes de Kismayo, Badade, Afmadow, Elwak ou Bardera, ainsi que dans toute la région de Gedo au Jubaland. Les personnes avec des pathologies ophtalmologiques n’ont d’autre choix que de parcourir des centaines de kilomètres jusqu’à la capitale, Mogadishio, pour être soignés. De nombreuses personnes appartenant à des communautés marginalisées ou déplacées n’ont tout simplement pas les moyens de voyager si loin ou de payer le traitement une fois sur place. 

La cécité réversible est un problème de santé majeur en Somalie, et les cataractes sont la première cause de cécité réversible dans le pays. Il est estimé que 1,2 % de la population somalienne, soit plus de 100 000 personnes, est aveugle. 

La cause de cécité la plus courante est la cataracte, qui touchent principalement les femmes de plus de 50 ans. Le risque de développer une cataracte est lié à la pauvreté, les fortes expositions à la lumière UV, à la poussière, la faible utilisation de lunettes de soleil et de protection UV, la carence en vitamine A, le diabète et l’hypertension. Le recours à des médecines traditionnelles et les interventions ophtalmologiques menées par des personnes non qualifiées peuvent également aggraver la maladie.

« Il faut en général un mois pour mener à bien un seul camp de chirurgie ophtalmologique, explique Mohamed Ahmed. La mobilisation de la communauté est effectuée par le biais de chaînes de radio locales et à la télévision pendant deux semaines, en parallèle à l’inscription et au dépistage des patients. Les soins et les chirurgies sont ensuite effectués dans les deux semaines suivantes. »

L’opération de la cataracte dure en général environ 30 minutes et nous engageons trois chirurgiens, si bien que nous pouvons opérer jusqu’à 20-25 patients par jour.

Mohamed Ahmed, coordinateur de projet pour MSF au Jubaland

En 2020, il a été particulièrement difficile de fournir des soins de santé dans les parties reculées de la Somalie, en raison des restrictions limitant les déplacements de matériels, de médicaments et du staff, à cause de la pandémie de Covid-19. Cependant, malgré les difficultés, MSF a réussi à maintenir ses services ophtalmologiques dans la région de Jubaland. Dans les deux moins entre le 25 novembre 2020 et 25 janvier 2021, l’équipe MSF au Jubaland est venue en soutien à deux camps de chirurgie ophtalmologique, à Kismayo et Bardera, au cours desquels 604 patients ont été opérés de la cataracte et ont ainsi recouvré la vue, 2 430 personnes ont reçu des traitements pour des affections ophtalmologiques modérées à sévères, et 1 306 personnes ont reçu des lunettes de lecture pour améliorer leur vue ou des lunettes de soleil pour protéger leurs yeux des rayons UV nocifs.

Afin de minimiser les risques d’infection au Covid-19, l’équipe MSF et les soignants de la région ont ajusté leurs services et appliqué des mesures de prévention et de contrôle des infections strictes. Les équipes ont porté des masques et des visières et ont respecté la distanciation sociale pour s’assurer de la sécurité des patients et des soignants.

« Il était crucial de se rendre à Kismayo et Bardera au cœur de la pandémie de Covid-19 pour assister ces personnes très vulnérables, explique Mohamed Ahmed. Elles n’ont souvent pas les moyens de payer le trajet jusqu’à une ville où des soins ophtalmologiques sont dispensés, et encore moins de payer les chirurgies elles-mêmes. À la place, ces personnes viennent dans nos camps de chirurgie ophtalmologique, où les opérations donnent un résultat et un impact immédiats. »

En plus des camps de chirurgie ophtalmologique dans la région du Jubaland, d’autres communes ont bénéficié de ces services soutenus par MSF dans les années passées, y compris Baidoa, Galkayo, Garbaharey et Las Anod, Buhoodle et Erigavo au Somaliland.