Accord de Libre-echange (FTA) entre l’Union europeenne (UE) et l’Inde: la derniere chance de retirer des dispositions qui bloquent l’acces aux medicam
© Suraj Mishra
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Bruxelles/Genève, 26 avril 2010 – Alors que la Commission européenne et l’Inde se rencontrent cette semaine pour des négociations à huis clos sur un Accord de Libre-échange (FTA), l’organisation médicale humanitaire internationale Médecins Sans Frontières met en garde sur le fait qu’il s’agit de la dernière opportunité de retirer des dispositions qui bloqueront l’accès à des médicaments vitaux pour les habitants des pays en développement.
« Ni le Ministre du Commerce indien, ni le Commissaire européen pour le commerce ne se sont publiquement engagés à ce que les dispositions qui affectent la concurrence générique et l’accès aux médicaments ne soient retirées de la table. » dit Michelle Childs, Responsable du plaidoyer pour la Campagne d’accès aux médicaments essentiels. « Nous continuerons à nous battre tant qu’elles ne seront pas retirées de l’accord officiellement et sans équivoque ».
L’Inde est à l’origine de 80% des médicaments contre le sida employés dans les projets MSF. Sans les médicaments de qualité et à des prix abordables fabriqués en Inde, il aurait été impossible d’étendre le traitement aux niveaux actuels et des millions de vies n’auraient pas été sauvées.
Par l’intermédiaire des contributions de leurs gouvernements au Fonds mondial contre le sida et à d’autres agences internationales pour la santé, les contribuables européens financent des programmes qui prennent en charge davantage de gens grâce à des médicaments abordables venus d’Inde. Mais MSF et d’autres groupes s’inquiètent du fait que l’UE soit en train de brader ces pratiques. Le projet d’accord contient plusieurs dispositions alarmantes sur la propriété intellectuelle et son respect, plus strictes que ne l’exige aucun règlement de commerce international, et qui menacent l’approvisionnement de médicaments essentiels venus d’Inde.
« Le droit à la vie et à la santé des habitants des pays en développement est sacrifié par cet accord. » a dit Loon Gangte, président du réseau des séropositifs de New Delhi (DNP+). « Ne faites pas passer les bénéfices avant les patients. Cet accord commercial ne doit pas saper, au nom du libre-échange, la capacité de l’Inde à fournir des médicaments permettant de sauver la vie de populations atteintes du VIH/sida en Inde et ailleurs. »
L’une des dispositions nuisibles du FTA est « l’exclusivité des données ». Si l’Inde introduit l’exclusivité des données, les compagnies génériques désirant déposer un médicament seront obligées de reconduire toutes les études cliniques. Non seulement cela crée-t-il d’énormes barrières financières qui ont un effet dissuasif sur les compagnies génériques, mais c’est aussi une violation de l’éthique médicale, dans la mesure où des populations sont soumises aux risques d’études cliniques dont les résultats sont déjà connus. L’exclusivité des données crée par conséquent une nouvelle entrave, comparable au brevet, à l’accès aux médicaments et aux vaccins, même lorsque ces produits ne sont protégés par aucun brevet.
« L’impact de l’accord proposé est véritablement global, puisque les traitements deviendront considérablement plus chers et que les pays et les bailleurs de fonds risquent de devoir restreindre le nombre de personnes pouvant suivre un traitement. » dit Ariane Bauernfeind, Responsable VIH/sida pour les projets MSF en Afrique du Sud au Malawi au Lesotho et Zimbabwe. « Nous sommes déjà préoccupés par le fait que des nouvelles versions de médicaments aient dû obtenir des brevets en Inde. Le FTA menace d’aggraver une situation déjà mauvaise. »
Il existe également une disposition du projet du FTA qui permet d’étendre la durée de validité d’un brevet au-delà de 20 ans. En outre, après qu’à de multiples reprises des incidents soient survenus lors desquels des médicaments génériques indiens étaient mis sous séquestre alors qu’ils transitaient vers d’autres pays en développement en Amérique latine en Asie et en Afrique, l’Europe cherche maintenant à légitimer de telles mesures en forçant l’Inde à les adopter.
Des discussions formelles s’ouvrent entre négociateurs européens et indiens cette semaine à Bruxelles. L’UE a indiqué vouloir conclure l’accord de libre-échange avant le sommet UE-Inde d’octobre.
© Suraj Mishra