Genève: la précarité accroît l’exposition au Covid-19 et inquiète les personnes défavorisées
© Nora Teylouni/MSF
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Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et MSF ont conduit, le 2 mai 2020, une étude auprès de 532 personnes pour évaluer les besoins en santé de la population précarisée à Genève. Les résultats soulignent que ces personnes sont 3,5 à 4,5 fois plus exposées au virus que la population globale du fait notamment de la promiscuité, qu’elles accèdent difficilement au dépistage et qu’elles parviennent péniblement à respecter les règles d’isolement et de protection sanitaire.
Elles expriment une très vive inquiétude face à la pandémie et ses conséquences économiques, sur l’emploi, ainsi que sur l’accès au logement, à la nourriture et à la scolarisation des enfants. Elles sont inquiètes de leur santé physique et psychique. L’étude souligne les difficultés d’accès aux soins parmi ces personnes et la fréquente renonciation à se faire soigner pour raisons financières.
A Genève, le nouveau coronavirus a pour effet d’accroître le nombre de personnes en situation de précarité. Ces dernières peinent à satisfaire leurs besoins alimentaires de base et le recours aux dispositifs d’aide alimentaire a quadruplé depuis le début de la crise liée au Covid-19.
MSF et les HUG ont conduit une étude dans le cadre des interventions médicales proposées aux bénéficiaires de la distribution alimentaire organisée par la Caravane de la Solidarité et plusieurs partenaires publics et associatifs le samedi 2 mai 2020 à la patinoire des Vernets. Au total, 532 personnes ont été interrogées, majoritairement des femmes (75%) dont l’âge moyen était de 44 ans (min-max. 18-76). Les personnes migrantes sans statut légal (sans-papiers) représentaient 52% des participants, mais nombre de répondants avaient un statut accordant le droit à l’aide sociale (citoyens suisse 3.4%, résidents avec titre de séjour 28.3%, requérants d’asile 4.3%).
Logements surpeuplés
Une personne sur dix vivait dans un hébergement collectif (foyer ou abris pour SDF) ou dans la rue, les autres logeant en appartement ou maison. En moyenne, le logement privé comprenait 1.9 pièce (min 1 ; max 5) pour dormir et abritait 4.14 personnes (1-12). La moyenne de peuplement (personnes/pièce pour dormir) était de 2.53 (0.25-12) et 48% des répondants rapportaient une situation de surpeuplement (index >2) dans leur logement avec des différences importantes entre les résidents avec permis de séjour (38%) et ceux sans-papiers (54.6%). Parmi ces derniers, 11% vivaient à plus de 4 personnes par pièce.
Accès insuffisant aux soins médicaux
Seuls 40% des répondants avaient une assurance maladie et uniquement 10% des sans-papiers. Au cours des deux derniers mois, 10.4% des personnes avaient renoncé à des soins médicaux. Une majorité (58.6%) rapportait en premier lieu des motifs économiques ou l’absence d’assurance alors que le manque d’accès au médecin traitant ou la crainte d’être infecté sur le lieu de soins étaient également fréquemment mentionnés. De manière générale, seuls 39.9% des participants évaluaient leur santé comme très bonne ou excellente. Les personnes sans-papier et les résidents étrangers avec permis de séjour se déclaraient moins souvent en excellente ou très bonne santé que les autres. De plus, 15.6% des répondants notaient une dégradation de leur santé depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les citoyens suisses étant particulièrement affectés.
Risque de cluster
Au jour de l’étude, 1% de la population du Canton avait eu un test positif au Covid-19 (5 000 cas confirmés) contre 3.4% des participants à l’étude. S’y ajoutent probablement 1.1% de cas Covid-19 supplémentaires car ayant présenté des symptômes et ayant cohabité avec un cas confirmé. En tout, 8.8% des personnes interrogées ont partagé leur logement avec une personne malade du Covid-19 ou présentant des symptômes évocateurs. Cela suggère une exposition et une transmission importante du virus au sein de cette population. Bien que 90% des personnes affirmaient qu’en cas de symptômes compatibles avec le Covid-19, elles feraient un test de dépistage, seules 26.1 % des personnes qui avaient présenté de tels symptômes l’avaient effectivement fait et seules 46.9% des personnes cohabitantes avec symptômes avaient été testées. Cette discordance suggère que même quand la volonté d’accéder au test est présente, des facteurs externes, principalement financiers et d’assurance, en limitent l’accès.
Parmi les personnes avec des symptômes évocateurs d’une infection ou un diagnostic Covid-19 confirmé, seules 58% avaient pu respecter les consignes d’isolement. Un logement trop exigu et la nécessité de continuer à s’occuper de sa famille étaient les principales difficultés rencontrées. De même, un tiers des participants estimaient qu’ils ne pourraient pas s’isoler correctement s’ils tombaient malades prochainement.
© Nora Teylouni/MSF