L'accord de libre-échange avec l'Inde menacerait l'accès aux médicaments pour des millions de personnes
© Manon Massiat/MSF
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L'accord de libre-échange avec l'Inde, que la Suisse négocie dans le cadre de l'AELE, pourrait menacer l'accès à des médicaments abordables pour des millions de personnes. Un document* divulgué hier révèle que l'accord pourrait inclure des droits de propriété intellectuelle qui dépassent les normes internationales. Ceux-ci obligeraient l'Inde à réviser ses normes nationales qui, jusqu'à présent, ont donné la priorité à la santé des gens. Médecins Sans Frontières, Public Eye et le Delhi Network of Positive People tirent la sonnette d'alarme.
L’approche d'un accord de libre-échange entre l'Inde et l'Association Européenne de Libre-Échange (AELE) – composée de l'Islande, du Liechtenstein, de la Norvège et de la Suisse – suscite des inquiétudes. Si le texte final contient effectivement les passages à propos de la propriété intellectuelle divulgués hier, cela pourrait sérieusement compromettre l'accès à des médicaments abordables pour des millions de personnes dans le monde.
Depuis 2006, l'Inde et l’AELE négocient un accord de libre-échange. Après une pause de cinq ans, les discussions ont été relancées ces dernières semaines et sont sur le point d'être conclues, selon le Département fédéral suisse de l'économie, de la formation et de la recherche. La Suisse, pays d'origine de nombreuses entreprises pharmaceutiques multinationales, et l'Inde, un fabricant clé de médicaments génériques, veulent conclure les négociations sur le chapitre de la propriété intellectuelle (PI) de l'accord de libre-échange de l’AELE avant avril 2024. Il est préoccupant de constater que les propositions récemment divulguées vont au-delà des exigences des règles commerciales internationales et pourraient contraindre l'Inde à modifier ses lois nationales sur les brevets et la réglementation des médicaments.
L'une des principales préoccupations est la proposition d'introduire une barrière supplémentaire sur la propriété intellectuelle appelée «exclusivité des données», ce qui pourrait retarder l'autorisation de versions génériques de nouveaux médicaments ou de nouvelles formulations pour une période déterminée, même en l'absence de brevet sur ledit médicament. Cela obligerait les fabricants de génériques à attendre la fin de la période d'exclusivité ou à répéter des essais cliniques coûteux. Dans les cas où un nouveau médicament est breveté, l'exclusivité des données pourrait bloquer les licences obligatoires qui pourraient être accordées aux fabricants de génériques pour produire des médicaments à des prix inférieurs.
Des millions de vies dépendent du fait que l'Inde accorde la priorité à la santé des gens et continue de fournir des médicaments génériques à l'échelle mondiale. Nous avons exhorté le gouvernement indien, dans une lettre adressée au Premier ministre, à continuer de rejeter l'inclusion de dispositions de propriété intellectuelle nuisibles dans les négociations avec l’AELE. Si acceptées, ces dispositions sur la propriété intellectuelle auront des conséquences drastiques sur l'accès aux médicaments et sur la santé des patient·e·s en Inde et au-delà.
Pour Médecins Sans Frontières en particulier, ces changements potentiels dans les lois indiennes sur les brevets et la réglementation des médicaments pourraient avoir un impact significatif sur l'approvisionnement futur en médicaments potentiellement vitaux. En tant qu'organisation humanitaire, Médecins Sans Frontières dépend des vaccins et des médicaments de qualité assurée fabriqués en Inde pour traiter ses patient·e·s.
Lire le communiqué conjoint avec Public Eye et le Delhi Network of Positive People sur le site de l'Access Campaign.
*Voir le document (lien externe)
© Manon Massiat/MSF