MSF demande aux autorités italiennes de lever immédiatement l’ordre d’immobilisation du Geo Barents.
© Pablo Garrigos/MSF
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Alors que des centaines de personnes continuent de mourir en mer Méditerranée centrale, le Geo Barents vient d’être immobilisé par les autorités portuaires italiennes, alerte Médecins Sans Frontières (MSF). Les navires de sauvetage d’ONG sont à nouveau la cible d’un harcèlement administratif derrière lequel se dissimule des motivations politiques.
Suite à une inspection de 14 heures dans le port d'Augusta, en Sicile, le 2 juillet 2021, le navire de recherche et de sauvetage en mer de MSF, le Geo Barents, a été immobilisé après que 22 défaillances ont été identifiées, dont 10 ont motivé l'immobilisation du navire. MSF est prête à réaliser tous les ajustements nécessaires, mais cette inspection représente d’abord une opportunité de stopper les opérations de secours sous couvert de procédures administratives.
MSF, qui a lancé le Geo Barents en mai, a entièrement équipé et certifié le navire pour effectuer des activités de recherche et de sauvetage, en respectant toutes les règles et réglementations mises en place par les autorités maritimes compétentes.
Les équipes du Geo Barents ont effectué une série de sauvetages entre le 10 et 12 juin, secourant 410 personnes dans une situation d’épuisement et de vulnérabilité extrêmes. Parmi elles se trouvaient 16 femmes, dont six voyageaient seules et une était enceinte, ainsi que 101 mineurs non accompagnés. La plupart de ces personnes venaient de pays déchirés par la guerre, comme la Syrie, l'Éthiopie, l'Érythrée, le Soudan et le Mali.
Depuis lors, un naufrage a eu lieu le 30 juin dernier à quelques kilomètres des côtes de Lampedusa, et des rapports ont fait état d'un autre naufrage au large de la Tunisie. Des corps de femmes et d'enfants se sont échoués sur les côtes libyennes. Depuis le début de l'année 2021, au moins 721 personnes ont perdu la vie ou ont disparu en tentant de franchir la frontière maritime la plus meurtrière au monde.
Outre une série d'irrégularités mineures facilement rectifiables, les autorités italiennes contestent l'aptitude du navire à mener toute activité de recherche et de sauvetage, et allèguent que le navire comptait trop de personnes à son bord. Le droit international ne prévoit néanmoins pas de classification spécifique pour les navires de sauvetage. En effet, conformément au devoir des capitaines de navire de porter assistance aux personnes en détresse en mer, les opérations de sauvetage sont considérées comme des situations de force majeure.
Bien que légitimes, ces contrôles portuaires sont aujourd’hui instrumentalisés par les autorités étatiques pour cibler les navires des ONG et empêcher les opérations de secours. Il s’agit là de motivations purement politiques. Pendant que les navires d’ONG humanitaires sont détenus, des vies continuent d'être inutilement perdues en Méditerranée.
Depuis 2019, les autorités italiennes ont effectué 16 contrôles sur des navires de sauvetage d'ONG, conduisant à 13 reprises à des détentions administratives. Cela représente au total 1 078 jours durant lesquels les navires n’ont pas pu sauver des vies. Aujourd’hui, l'Ocean Viking de SOS Méditerranée est le seul navire de sauvetage opérationnel en mer Méditerranée centrale. Cinq navires d'ONG (le Sea-Watch 4, le Sea-Watch 3, le Sea-Eye 4, le Louise Michel et maintenant le Geo Barents) sont actuellement en détention administrative et empêchés de reprendre leurs activités de sauvetage.
Pourtant, c’est en raison de l’absence totale de capacités de secours déployées par les États que le Geo Barents est en mer. De plus, les États européens continuent de financer et de collaborer avec les garde-côtes libyens, alors qu’ils ont montré à de nombreuses reprises leur incapacité à mener et à coordonner des opérations de secours en mer, notamment en adoptant des comportements violents qui mettent des vies en danger. Depuis le début de l'année 2021, ce sont 14 751 réfugiés et migrants qui ont été interceptés en mer et renvoyés de force en Libye, un nombre déjà plus élevé que les 12 000 personnes ramenées au cours de l’année 2020. Et ceci alors même que la Libye n'est pas un lieu sûr pour le débarquement des personnes secourues en mer, conformément au droit international et maritime.
Afin de reprendre la mer dans les plus brefs délais, MSF va soumettre un plan d'action pour remédier rapidement aux carences signalées par les autorités italiennes, et demande la levée immédiate de l'ordre d'immobilisation du navire conformément aux procédures applicables. En cas de refus, MSF envisagera toutes les alternatives pour contester cet avis de détention.
© Pablo Garrigos/MSF