MSF urge les acteurs internationaux à répondre à la crise des réfugié·e·s soudanais·e·s au Tchad

Patients en attente de triage à la clinique MSF du camp d'Adre, Tchad

Tchad5 min

Le conflit qui sévit au Soudan a forcé plus de quatre millions de personnes au déplacement. Parmi elles, environ 3.3 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays. 380 000 personnes ont en revanche fui vers le Tchad, cherchant refuge dans des camps autour de la ville frontalière d’Adré. Les équipes MSF sur place sont actuellement témoins des conditions de vies désastreuses auxquelles ces réfugié·e·s font face, notamment de graves pénuries de nourriture, d’eau, d’installations sanitaires, d’abris et d’accès aux soins de santé.

MSF appelle les Nations Unies, les donateurs internationaux et les organisations humanitaires à urgemment répondre aux besoins des réfugié·e·s soudanais·e·s à Adré et dans le reste de la région du Ouaddaï.

« C’est dur de décrire ce que ces personnes traversent… Certain·e·s ont entamé leur cinquième semaine sans nourriture » explique Susana Borges, coordinatrice d’urgence sortante de MSF à Adré. « Des parents nourrissent leurs enfants avec des insectes, de l’herbe ou des feuilles ! L’eau et les sanitaires manquent grandement, et nombre sont celles et ceux qui n’ont pas d’abris à proprement parler. Comment ces personnes peuvent-elles survivre dans pareilles conditions ?  Les réfugié·e·s attendent désespérément des rations de nourriture, mais n’ont aucun ustensile de cuisine. Comment cuisiner sans même une casserole ? ».

Les besoins de santé les plus urgents auxquels nous faisons face sont le paludisme, la diarrhée et la malnutrition. Nous faisons de notre mieux, mais les besoins sont massifs et il y a des limites à ce que nous pouvons faire.

Susana Borges, coordinatrice d’urgence MSF

Au Soudan, le nombre des personnes forcées de fuir leur maison augmente quotidiennement. Les équipes médicales MSF au Soudan reçoivent un grand nombre de patients et patientes avec des blessures par balles ou suites à des explosions. Le système de santé soudanais plie sous la pression. En plus d’être débordées, de manquer d’approvisionnements, de personnel voire, dans certains cas, d’eau et d’électricité, plusieurs infrastructures de soins ont été endommagées par le conflit.

Nous sommes très inquiets pour la population soudanaise et son accès aux soins, ainsi que des risques plus élevés d’épidémies due à la situation actuelle.

Trish Newport, responsable des réponses d’urgence MSF

« Nous sommes également profondément préoccupé pour celles et ceux qui ont fuit le Soudan vers le Tchad. La situation au Tchad est une urgence extrême, et elle risque de se détériorer davantage sans une augmentation conséquente et immédiate de la réponse humanitaire » déclare Trish Newport, responsable des réponses d’urgence MSF.

Dans la région du Ouaddaï, dans l’Est du Tchad, les équipes MSF fournissent des soins de santé cruciaux, en partenariat avec le ministère de la Santé. La capacité de l’hôpital d’Adré et de quatre centres de soins a été renforcée pour atteindre 420 lits. En addition, une clinique d’une capacité de 38 lits dans le Camp Ecole conduit 460 consultations chaque jour. La région fait face à une haute prévalence de paludisme et de diarrhée, alors que 372 enfants sont sous traitement pour malnutrition.

Mère avec son enfant mangeant du plumpy-nut, une pâte à base d'arachide dans un emballage plastique pour le traitement de la malnutrition aiguë sévère, dans la clinique MSF du camp d'Adre.

Mère avec son enfant mangeant du plumpy-nut, une pâte à base d'arachide dans un emballage plastique pour le traitement de la malnutrition aiguë sévère, dans la clinique MSF du camp d'Adre.

© MSF

Dans l’hôpital d’Adré, ce sont 150 personnes qui sont soignées en traumatologie, majoritairement pour des blessures par balles contractées au Soudan, ainsi que 133 enfants faisant face à une menace vitale à la suite de complications liées au paludisme ou à la malnutrition. Nos équipes ont également commencé à soutenir des victimes de violences sexuelles dans la maternité de l’hôpital.

Les équipes de santé mentale MSF actives dans le Camp Ecole sont venues en aide à des réfugié·e·s ayant été victimes de pertes importantes, de viols ou de violence sexuelle durant leur fuite vers le Tchad. De nombreuses femmes ont raconté avoir été enfermées dans une pièce et violées en réunion par plusieurs hommes. Au vu de la gravité de leur souffrance et traumatismes, ces personnes ont besoin d’une prise en charge complète et continue. Un engagement ferme de la part des Nations Unies, d’autres organisations et des donateurs est cruciale pour s’assurer que ces personnes soient sauvées de ces conditions potentiellement mortelles.

Témoignages

Les équipes MSF sur le terrain ont collecté quelques témoignages de personnes affectées dans les deux pays, dépeignant la détresse et l’aspect traumatisant des circonstances auxquelles elles font face.

Témoignages du Tchad

« Je n’arrive pas à nourrir ma famille, mes enfants ont tellement faim qu’ils mangent de l’herbe et des graines qu’ils parviennent à trouver autour du camp. » - Réfugié·e soudanais·e dans le camp Ourang.

« Nous n’avons pas reçu de nourriture depuis que nous sommes arrivés ici, il y a de cela deux semaines. Nous sommes une famille de 19. Parfois nous trouvons une ou deux portions de nourriture que nous partageons entre nous tous. Nous avons terminé toute la nourriture que nous avions prises avec nous et je ne sais pas quoi faire maintenant. Quand je rentrerai dans mon abri après ma consultation, je ne sais pas ce que je vais faire. » - Patiente MSF, mère de deux enfants.

Témoignages du Soudan

« Lorsque mon village a été attaqué, j’ai fui dans la forêt et je m’y suis caché pendant près d’une semaine, sans nourriture ni eau. Ensuite,  nous avons décidé de retourner à Mournay, mais nous avons retrouvé notre village couvert de cadavres et les maisons brûlées. J’ai même reconnu certains membres de ma famille ou des amis parmi les corps. » - Homme de 50 ans, patient MSF.

« Depuis El Geneina jusqu’à la frontière avec le Tchad, il y avait un checkpoint chaque kilomètre. Nous en avons vu au moins 10. À chaque fois, ils vous sortent de la voiture, vous menacent, vous volent tout ce que vous avez. Ils vous demandent à quelle tribu vous appartenez. Toutes celles et ceux qui répondaient « masalit » étaient tué·e·s sur le champ. Il y avait tellement de cadavres sur le chemin... Et une fois à la frontière, ils ont une liste de personnes masalit influentes. Si votre nom est sur celle-ci, ils vous abattent juste là. » - Patient·e MSF, 60 ans.

« Au Soudan, ils tuaient sans hésiter, y compris les enfants. Je l’ai vu de mes propres yeux. Ils violaient les femmes, en groupe. Si elles résistaient, ils les tuaient. S’ils entraient dans une pièce avec 20 hommes, ils les tuaient tous. Je me suis concentré sur Dieu pour qu’il puisse me venir en aide. » - Une jeune femme, réfugiée soudanaise au camp Ourang, Adré, Chad.