Nigeria: aggravation de l’épidémie de diphtérie
© Ehab Zawati/MSF
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[Abuja, 18 septembre] - Une grave épidémie de diphtérie sévit au Nigéria, où des milliers de personnes ont été infectées et des centaines d'autres sont décédées. La faible couverture vaccinale nationale et la pénurie mondiale d'antitoxine vitale menaçant d'aggraver l'épidémie, Médecins Sans Frontières (MSF) demande instamment à la communauté internationale de renforcer immédiatement son soutien pour améliorer le traitement, les mesures préventives et la recherche des contacts afin d'enrayer la propagation de l'épidémie.
« Nous voyons actuellement plus de 700 personnes suspectées de diphtérie et admettons plus de 280 patients par semaine dans les deux centres de traitement de la diphtérie de l'État de Kano, explique le Dr Hashim Juma Omar, médecin du projet d'urgence de MSF. Les femmes et les enfants de moins de cinq ans sont les groupes les plus vulnérables et les plus touchés actuellement dans l'État de Kano. Ils ont vraiment besoin d'aide ».
La diphtérie est une maladie bactérienne très contagieuse et potentiellement mortelle qui peut se présenter sous forme respiratoire ou cutanée. En l'absence de traitement, elle peut tuer la moitié des personnes infectées. Même avec un traitement, la maladie reste fatale pour 5 % des patients.
Le centre nigérian de contrôle des maladies a déclaré une épidémie le 20 janvier 2023 ; entre mai 2022 et début septembre 2023, plus de 6 000 cas confirmés ont été enregistrés. Environ 4 000 cas suspects ont été enregistrés dans le pays au cours du seul mois d'août 2023, dont plus des trois quarts dans l'État de Kano.
Les équipes de MSF répondent à l'épidémie dans les États de Kano, Borno et Bauchi. Cependant, la réponse à l'épidémie s'est avérée difficile, en raison d'une pénurie mondiale d'antitoxine diphtérique utilisée dans le traitement, due à la diminution de la capacité de production.
Bien que nous ayons fourni 2000 doses d'antitoxine diphtérique le mois dernier à Kano, l'obtention de doses d'antitoxine a été l'un des plus grands défis de cette crise. Nous avons passé une commande supplémentaire urgente de 5000 doses pour couvrir les besoins de nos projets, mais ce n'est toujours pas suffisant.
Compte tenu de ces difficultés, il est essentiel de redoubler d'efforts pour réduire la transmission de la maladie et renforcer la préparation et la réponse aux épidémies au Nigeria. La vaccination en fait partie, car le taux de vaccination est faible : seuls 70 % des enfants ont reçu leur première dose de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche. Le déclin de la vaccination a conduit à un chiffre de 25 millions d'enfants non vaccinés ou insuffisamment vaccinés au Nigeria en 2021. Toutefois, le financement des vaccins et des coûts de mise en œuvre reste un obstacle à l'extension de la vaccination ; l'État de Kano à lui seul a besoin de millions de doses pour cibler les groupes à risque.
Outre les besoins urgents en antitoxines et en vaccins, nous demandons instamment aux organisations internationales d'intensifier immédiatement l'amélioration de la surveillance et de la recherche des contacts, ainsi que les mesures visant à renforcer le système de santé local.
À Maiduguri, dans l'État de Borno, MSF a ajouté une clinique de traitement de la diphtérie de 20 lits à son hôpital pédiatrique de Gwange, où plus de 110 personnes ont été prises en charge depuis janvier. Dans l'État de Kano, les équipes MSF ont accueilli 6 707 personnes présentant des cas suspects ou confirmés de la maladie depuis janvier, travaillant dans des centres de traitement d'une capacité totale de 147 lits. Dans l'État de Bauchi, MSF a déjà traité 21 cas de diphtérie lors de sa visite médicale habituelle à Ganjuwa, et surveille la situation dans cette localité ainsi qu’à Jama'are, se tenant prêt à démarrer des activités de prise en charge si nécessaire.
En collaboration avec le ministère de la santé nigérien, nos équipes ont mené une première campagne de vaccination préventive dans les aires de santé de Kantché et d'Amsoudou début septembre, vaccinant près de 48 500 personnes. Une deuxième campagne de vaccination aura lieu début octobre.
Le nombre de cas suspects dans d'autres pays de la région renforce l'urgence d'accroître l'accès aux médicaments antitoxines et aux initiatives de vaccination.
© Ehab Zawati/MSF