Covid-19: la sensibilisation au cœur de la lutte contre la pandémie à Zinder
© MSF/Mack Alix Mushitsi
Niger5 min
Ce matin d’août 2020, le ciel est gris et la circulation est intense à la barrière d’entrée de la ville de Zinder. Ali regarde attentivement la longue file de camions, remplis de marchandises, qui se dessine devant lui. Malgré la pluie qui menace, il n’arrête pas sa distribution. A cette porte d’entrée dans la deuxième ville du pays, Ali, responsable de la promotion de la santé chez MSF, tente de stopper la propagation du Covid-19.
L’épidémie, apparue en mars 2020 au Niger, a déjà fait une soixantaine de décès. A Zinder, Ali et son équipe sont chargés de sensibiliser la population à l’existence de la maladie, aux bonnes pratiques d’hygiène et de distribuer des masques. « Des bavettes » comme on les appelle, sans ironie, ici.
Sur le bord de la chaussée, comme à la chaine, des agents du ministère de la santé, sous une tente mise à la disposition par MSF, contrôlent la température de tous les passagers qui veulent passer la barrière d’entrée à Zinder. « Veuillez vous laver les mains ici s’il vous plaît », lance avec courtoisie un autre en montrant du doigt le savon, tout en ouvrant le robinet. Au bout de la file, l’équipe d’Ali en profite pour distribuer et donner les indications sur l’usage du masque lavable.
« L’épidémie est loin d’être finie »
« Depuis le début de l’épidémie, 140 patients ont été testés positifs au Covid-19 sur 420 cas suspects signalés et testés dans la région de Zinder », explique le docteur Ali Mamane, responsable du projet de lutte contre le coronavirus initié par MSF à Zinder. « On déplore malheureusement 20 décès ». Malgré les faibles chiffres des personnes testées positives, comparé à l’échelle nationale où plus de 1160 patients ont déjà été testés positifs, la ville de Zinder est le deuxième épicentre du virus après la capitale Niamey. « Aujourd’hui le nombre de cas n’est pas alarmant mais l’épidémie est loin d’être finie » insiste Ali Mamane.
On ne baisse pas la surveillance car la situation épidémiologique reste fragile et dépend de la continuité des mesures de contrôle qui ont été mises en place.
Depuis la déclaration de l’épidémie au Niger, MSF aide la région de Zinder dans l’acheminement pour analyse des échantillons des cas suspects vers notamment Niamey, à près de 900 km, et depuis peu vers le laboratoire de Maradi à 290 km.
« Même si la transmission locale est restée limitée, on craint qu’avec l’ouverture des frontières le nombre de passagers entrants dans le pays et potentiellement contaminés peut entrainer une nouvelle introduction du virus » explique Dalil Adji Mahamat, chef de mission MSF au Niger. Il invite à ce propos « à la prévention qui vise à préserver la santé de tous. Il s’agit de la compréhension et du respect strict des mesures barrières, afin de limiter la circulation du virus et sa transmission au niveau locale ».
Face au danger représenté par le Covid-19, MSF a rapidement renforcé dans toutes ses zones d’intervention les mesures de prévention, installant des espaces d’isolement et menant des activités de sensibilisation communautaire. « A Niamey, on a construit un centre de prise en charge des patients testés positifs et nécessitant une hospitalisation. Ailleurs sur nos projets et dans les structures que nous appuyons, nos équipes y ont renforcé les mesures d’hygiène, fourni des masques et des lave-mains et ont également formé le personnel médical ainsi que les relais communautaires sur la prévention et le contrôle des infections. La protection du personnel et des patients a tout de suite été la priorité absolue » rajoute Dalil Adji Mahamat. Au centre de santé de Charézamna à Zinder, l’infirmière titulaire jubile. A Zinder, comme dans 14 autres centres de santé de la ville, MSF vient de doter sa structure de réservoirs d’eau. « Ici, on a l’eau courante un jour sur deux » explique-t-elle, « on était loin de satisfaire les mesures de lutte contre le coronavirus ».
« On observe une forme de relâchement »
En ce mois d’août, la ville profite de la fraicheur et des quelques gouttes de pluie de l’année qui inondent parfois certaines ruelles. Dans les quartiers, plusieurs jeunes font des « fada », ces regroupements dans un coin de rue autour du thé, tandis que quelques vendeurs ambulants s’époumonent. Un détail cependant : personne ne porte de masque. Ces protections contre le coronavirus s’achètent au marché à 150 francs CFA (0.22 centimes d’euros).
Adoua, chef de quartier, tire le même constant. « Bien que le port du masque soit obligatoire dans les lieux publics, certaines personnes ne croient toujours pas que la maladie existe. Lorsque les lieux de cultes et certaines administrations étaient fermés, la population avait peur de la maladie. Depuis, on observe une forme de relâchement ». MSF a mobilisé une équipe de 140 relais communautaires qui passe de maison en maison, dans les structures de santé et dans les lieux de rassemblement pour sensibiliser la population sur l’existence de la maladie et les gestes barrières pour s’en protéger. « On passe aussi des messages à la radio, pour atteindre plus de monde », raconte Ali le promoteur de la santé, de passage chez le chef de quartier. « De nombreuses rumeurs et fausses informations accompagnent cette pandémie, c’est pour cela qu’on travaille activement avec la communauté, pour partager les bonnes informations sur la maladie et garantir une adhésion commune à la réponse ».
Dans tout le pays, on observe une diminution des cas testés positifs au Covid-19. À Niamey, MSF a débuté la passation du centre de prise en charge des patients du coronavirus, d’une capacité de cinquante lits, au ministère de la Santé. À Zinder, les activités de sensibilisation et de prévention et contrôle des infections, en appui aux structures de santé, sont également remises sous la responsabilité du district sanitaire. Fin juillet, MSF avait déjà clôturé son projet Covid-19 dans la région de Maradi, où l’organisation a formé le personnel de cinquante centres de santé des districts de Maradi et Madarounfa dans la prévention et le contrôle des infections et organisé des activités de sensibilisation. « On continue de soutenir le centre d'appel d’urgence de Niamey, la sensibilisation communautaire dans toutes les villes où on a des projets et on contribue dans la surveillance épidémiologique. MSF reste prêt à intervenir en cas de besoin » rassure Dalil Adji Mahamat.
© MSF/Mack Alix Mushitsi