Djibo: la vie sous blocus
© MSF/Nisma Leboul
Burkina Faso5 min
Le Burkina Faso vit une crise humanitaire sans précédent, qui a vu prêt de 2 millions de personnes déplacées internes fuir les violences perpétrées par les groupes djihadistes. La ville de Djibo, située dans la région du Sahel au nord du pays, vit sous blocus des groupes armés non-étatiques depuis plus d’un an. Prise en étau, la population a vu ses conditions de vie se dégrader rapidement et vit grâce à l’assistance humanitaire.
Voilà des mois que la ville de Djibo vit sous blocus. Des groupes armés non-étatiques bloquent tout approvisionnement de la ville par la route et limitent les mouvements de la population. L’accès aux services de base a été fortement affecté, laissant la population démunie et tentant de survire avec peu de nourriture, d’eau, d’électricité et des moyens de communication limités. Les affrontements entre les forces de défense et de sécurité burkinabé et les groupes armés non-étatiques en périphérie de Djibo se sont traduits par une arrivée massive de personnes des villages environnants, venues chercher refuge dans la ville. Sur un peu plus de 300 000 habitant·e·s, près de 270 000 (269,894 selon le Conseil national de secours d’urgence et réhabilitation) sont des déplacé·e·s internes dont la moitié des enfants, qui résident dans des camps ou des familles d’accueil.
Des conditions de vies extrêmement dures
Prise en étau, la population a vu ses conditions de vie se dégrader rapidement et vit grâce à l’assistance humanitaire. Tout avait disparu à Djibo jusqu’au sel, les gens se sont nourris de feuilles durant longtemps. « Je n’avais plus rien à manger pour mes enfants », confie Safi, une déplacée interne de 30 ans et mère de cinq enfants. Elle a quitté son village de Yalanga situé à 100 km de Djibo avec toute sa famille, son époux ayant été tué en route par les groupes armés. Son quotidien est marqué par les distributions du Programme alimentaire mondial et la recherche de petits travaux ménagers pour survivre.
« Ça va un peu mieux aujourd’hui », dit-elle, car le 21 mars dernier, un convoi de vivres et de produits de première nécessité a finalement réussi à atteindre Djibo, sous escorte armée, quatre mois après le dernier ravitaillement de la ville. L’amélioration est notable, même si la double crise alimentaire et sécuritaire reste réelle.
Les difficultés d’accès à la ville de Djibo ont entrainé une situation alimentaire préoccupante pendant plusieurs semaines, et dont l’ampleur reste difficile à mesurer. Avec des informations insuffisantes sur l’état nutritionnel de la population, les acteurs peinent à adapter leurs réponses. Depuis les premières alertes en octobre 2022, plusieurs organisations se sont mobilisées. L’aide qui arrive aujourd’hui est toutefois encore insuffisante et les inquiétudes pour les mois à venir demeurent vives. Les activités nutritionnelles mises en œuvre ces dernières semaines ont réussi à améliorer la condition des enfants malnutris, mais le manque de nourriture reste un risque.
Les 8 et 9 avril, nos équipes ont distribué 57 tonnes de biscuits BP-5 à 12 456 enfants âgés de 6 mois à 5 ans, soit une ration équivalente à un mois de nourriture. Les biscuits BP-5 sont des biscuits compactés utilisés comme compléments nutritionnels permettant de prévenir la malnutrition chez les enfants (un aliment fortifié à haute valeur énergétique à base de céréales : farine de blé cuite, graisse, huile végétale, sucre, protéine de soja, vitamines et minéraux). Cette distribution importante a contribué à améliorer les conditions pour tou·te·s les habitant·e·s de Djibo.
Un accès restreint aux soins de santé
Les soins de santé ont été lourdement affectés par le blocus : la fuite du personnel médical et les difficultés d’approvisionnement en médicaments ont conduit à la fermeture de plusieurs structures. Celles qui subsistent fonctionnent à capacité minimale, limitant ainsi l’accès aux services de santé d’une population déjà extrêmement vulnérable. « Nous vivons dans une grande souffrance », témoigne un leader communautaire.
Depuis le début de son intervention en 2018, MSF en collaboration avec le ministère de la Santé, soutient le centre médical avec antenne chirurgicale (CMA), deux postes de santé avancés et trois sites de santé communautaires dans la ville de Djibo.
Au CMA, la prise en charge des patient·e·s est gratuite : les personnes opérées reçoivent trois repas par jour avec leurs accompagnant·e·s – point non-négligeable étant donné l’état de sous-alimentation générale depuis plusieurs mois. Le bloc opératoire et l’unité de soins d’urgence fonctionnent en toute autonomie grâce aux panneaux solaires installés par MSF.
Nos équipes construisent également des puits et réhabilitent des points d’eau, facilitant ainsi l’accès à l’eau potable aux femmes de la ville qui n’ont désormais plus à parcourir des kilomètres en se mettant en danger.
« En plus de ce que MSF fait pour la population de Djibo, nous avons été accompagnés, n’oublions pas que cette situation a aussi eu un impact sur nous et nos familles », explique Hamadoum Moussa, superviseur des activités de promotion de la santé. Des ravitaillements en nourriture ont été acheminés par voie aérienne au plus fort du blocus pour assurer l’approvisionnement en vivres de nos équipes qui continuaient à travailler sans relâche. Malgré un contexte extrêmement difficile, la solidarité et la cohésion sociale prévalent dans la ville ainsi qu’au sein de nos équipes qui répondent aux besoins toujours plus grandissants de la communauté
© MSF/Nisma Leboul