D’un camp à l’autre: le sort des réfugiés palestiniens qui ont fui la Syrie
© Aurélie Lachant/MSF
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MSF fournit des soins psychologiques dans le camp d’Ein el-Hilweh, à Saïda, au Liban. De plus en plus de patients sont des réfugiés palestiniens traumatisés par ce qu’ils ont vécu en Syrie.
«J’éprouve une profonde tristesse, mais je dois donner le change devant ma famille. C’est très difficile. Sept membres de ma famille ont été tués dans les bombardements et les fusillades en Syrie. Nous avons vu leurs corps mutilés. Je les ai enterrés moi-même. J’ai aussi enterré mes voisins. Mon fils a disparu. Un mois plus tard, c’était au tour de mon frère. Je suis certain qu’ils ont été tués», raconte Mahmood, qui a quitté le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, près de Damas, il y a plus d’un mois. Il a trouvé refuge au Liban dans un autre camp: celui d’Ein el-Hilweh à Saïda. Avec sa femme et son fils de six ans, il vit dans une petite pièce coupée en deux par une planche de bois, permettant ainsi d’y accueillir une autre famille.
«C’est une des nombreuses histoires que nous entendons chaque jour», explique Nissreen Moghamis, travailleuse sociale chez Médecins Sans Frontières (MSF). A Saïda, MSF dispense depuis avril 2011 des consultations psychologiques dans cinq établissements de santé. Ce programme communautaire bénéficie à la population palestinienne d’Ein el-Hilweh, mais aussi à d’autres groupes de population vulnérables vivant à l’intérieur et à l’extérieur du camp, y compris des Libanais.
Au cours des six derniers mois, on estime que 2 400 familles fuyant la Syrie – des Palestiniens pour la plupart, mais également des Syriens – ont trouvé refuge dans ce camp déjà surpeuplé. Créé en 1948 pour accueillir 10 000 personnes, Ein el-Hilweh compte aujourd’hui environ 80 000 habitants, ce qui en fait le plus grand camp du Liban. Les nouveaux arrivants vivent dans des familles d’accueil, louent des chambres ou se rassemblent dans des logements collectifs et mêmes sous des tentes. Anciens et nouveaux résidents doivent s’adapter à leurs nouvelles conditions de vie. Cette situation s’est traduite par des besoins croissants en termes de santé mentale.
Dépression, anxiété et stress post-traumatique
La dépression, l’anxiété et le stress post-traumatique constituent les diagnostics les plus fréquents chez les patients de MSF en provenance de Syrie. Depuis le début de l’année, l’équipe responsable de la santé mentale a enregistré une augmentation progressive du nombre de patients ayant fui la Syrie: des réfugiés palestiniens pour la plupart, mais également des citoyens syriens. Ils représentent aujourd’hui 43% des nouveaux patients de MSF.
«Beaucoup ont assisté à l’assassinat de leurs proches, à l’incendie de leur maison, certains ont été torturés. Ils sont nombreux à souffrir de crises de panique, de trous de mémoire ou de cauchemars. Ils sont en plus confrontés à des conditions de vie très difficiles et ils doivent se battre pour trouver les biens de première nécessité», explique Manal Kassem, une psychothérapeute, qui travaille dans l’une des cliniques de MSF.
Augmentation de la violence domestique
La promiscuité crée de nombreux conflits. «Plus de dix personnes appartenant à des familles différentes peuvent partager une même pièce avec une seule toilette pour tout le monde», rapporte Abu Saleh, un réfugié palestinien qui vit dans le camp depuis 2006.
La violence domestique a augmenté, parce que les habitants ont de la peine à s’adapter à leurs nouvelles conditions de vie. Dans certains cas, les rôles dans la famille ont été inversés. «Ce sont les femmes qui vont chercher une assistance et ramènent la nourriture, le lait, les langes pour le foyer pendant que les hommes peinent à trouver un travail ou sont trop gênés de demander de l’aide. La plupart du temps, les causes des conflits familiaux sont anodines mais les choses s’enveniment rapidement en raison des conditions de vie précaires», poursuit Abu Saleh. Dans d’autres cas, c’est la répartition inéquitable de l’aide apportée par les donateurs privés qui est à l'origine de différends entre familles.
Le programme de santé mentale de MSF
«Certains patients me disent qu'il leur faut un logement et que leur santé mentale s’améliorera», dit Mohamed Zeidan, l'un des travailleurs sociaux de MSF. Lors de ses visites quotidiennes à domicile, il sensibilise les gens à la santé mentale et les oriente vers d'autres organisations qui peuvent leur fournir des services non médicaux, comme un soutien financier pour payer leur loyer. «Nous leur offrons au moins une première aide psychologique et nous les soutenons mentalement», ajoute Manal Kassem, psychothérapeute. Si elle n’est pas traitée à temps, une personne souffrant de stress post-traumatique peut développer des symptômes psychologiques plus graves. MSF propose également un traitement gratuit aux réfugiés qui ont dû l’interrompre à cause de la guerre et des difficultés financières.
© Aurélie Lachant/MSF