La fermeture des camps de réfugiés ne peut être le point final de la solidarité du Kenya
© MSF/Arjun Claire
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« J'étais à Dagahaley au mois de mars, un des trois camps de réfugiés de Dadaab - lorsque la nouvelle s'est répandue que le Kenya demandait, une énième fois, la fermeture de Dadaab et de Kakuma, ces camps qui accueillent un demi-million de personnes », Adrian Guadarrama responsable des programmes MSF au Kenya.
« L'agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a reçu un préavis de deux semaines pour décider de leur sort, c'est-à-dire pour élaborer un plan de fermeture. Si à défaut d’un tel empressement, des solutions durables étaient proposées, ce pourrait être la fin de décennies d'incertitude pour les réfugiés.
Le Kenya a fait preuve d'une immense générosité en accueillant des centaines de milliers de réfugiés, ce qui contraste fortement avec de nombreux pays riches qui mettent au point des moyens détournés pour bafouer les droits des réfugiés. Mais une fermeture brutale des camps ne peut être le point final de la solidarité dont le Kenya a fait preuve en les accueillant.
Les autorités n’ont aucune raison de fermer leurs portes. Elles briseraient l’espoir des réfugiés de mener une vie digne, libres et en sécurité. Les camps de réfugiés ne sont pas une solution – nous sommes d'accord avec le Kenya sur ce point - surtout lorsque cela dure depuis des décennies. C'est précisément pour cette raison que nous demandons, depuis un certain temps déjà, des solutions durables pour les réfugiés.
L'adoption et l'application rapides du projet de loi sur les réfugiés – actuellement débattus au parlement kenyan – permettront aux réfugiés de se déplacer librement, de travailler et d'accéder aux services publics. Ils pourraient enfin être en mesure de faire leurs propres choix, de prendre leur vie en main et, en disposant d'un filet de sécurité, ils pourraient même faire preuve d'audace et enrichir la société kenyane.
Mais le Kenya ne peut – et ne doit – pas tout faire seul. L'économie du pays, comme beaucoup d'autres dans le monde, a été durement touchée par la pandémie. La dette publique s'est envolée et le risque de surendettement est élevé. Même en cas de reprise rapide, de nombreux Kenyans devront se battre dans les mois et les années à venir.
Seuls quelques gouvernements fournissent une aide humanitaire aux réfugiés vivant dans des camps. Mais même les fonds alloués à l’humanitaire sont en baisse, avec de fortes réductions annoncées pour cette année, ce qui a conduit le Programme alimentaire mondial à réduire les rations alimentaires de près de 60%.
Les gouvernements dotés de ressources importantes doivent assumer leur juste part de responsabilité et les institutions multilatérales telles que la Banque mondiale doit catalyser la recherche de solutions durables pour les réfugiés. Par-dessus tout, les Nations unies et la communauté internationale doivent redoubler d'efforts pour promouvoir la paix et la stabilité en Somalie. Le simple fait que Dadaab existe depuis trois décennies représente l’échec des initiatives de paix dans ce pays.
La nouvelle de la fermeture des camps pourrait être la goutte de trop et risque de briser la résilience des réfugiés. Elle survient à un moment où de nombreux réfugiés, notamment à Dagahaley, présentent déjà des problèmes de santé mentale, aggravé par le manque de progrès quant à la recherche de solutions durables.
Je partage le rêve des réfugiés de quitter un jour Dadaab, mais pas à n'importe quel prix. Lorsque le moment sera venu pour eux de quitter ce camp, ce sera parce qu'ils le choisiront librement, et seulement une fois que leur dignité, leur santé et leur liberté auront été garanties. »
- Adrian Guadarrama est responsable des programmes MSF au Kenya.
© MSF/Arjun Claire