Kiribati: Un pays insulaire à la santé triplement menacée
© Karim Eldib/MSF
Urgence climatique6 min
Les Kiribati, état archipélagique situé dans l’océan Pacifique, comptent parmi les nations les plus isolées et dispersées du monde mais également parmi les plus vulnérables face aux conséquences de la crise climatique.
L’archipel est en effet sujet à ce que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) décrit comme une triple menace pour la santé : maladies transmissibles, maladies non-transmissibles et conséquences sanitaires de la crise climatique.
En effet, les changements climatiques et environnementaux viennent exacerber la charge de morbidité déjà élevée des Kiribati.
Le pays fait cumulativement face à l’augmentation des températures de l’eau et des océans, à des vagues de tempête et des vents forts, à l’érosion, à l’acidification des océans ou encore à des sécheresses et des inondations. Tous ces phénomènes menacent directement la santé humaine, en provoquant des blessures, des épidémies et de la malnutrition.
En juin 2022, une sécheresse prolongée a poussé le gouvernement à déclarer l’état d’urgence. La nappe phréatique des Kiribati – que les habitants appellent « lentille d’eau douce » - se trouve au-dessus de l’eau de l’océan et sous l’attoll coralien de l’île, la rendant sujette à la salinisation. Cette lentille d’eau se remplit grâce à l’eau de pluie, mais lorsque celle-ci se fait rare, l’accès à l’eau potable pour la population est réduit.
L’eau des puits devient plus salée, donc il n’est plus possible de la boire. Le manque d’eau fraiche rend l’hygiène plus difficile à entretenir dans la communauté, ce qui augmente les risques de diarrhées et d’infections cutanées, en plus de compliquer la culture d’aliments.
La sécurité alimentaire et l’accès à l’eau sont des problèmes chroniques
Les i-Kiribati – gentilé des citoyens des Kiribati – sont touchés par des taux élevés d’obésité, mais paradoxalement les équipes MSF rencontrent de plus en plus d’enfants malnutris.
« La différence avec d’autres pays touchés par la malnutrition et où j’ai eu l’occasion de travailler, c’est qu’ici il y a beaucoup d’adultes en situation de surpoids » poursuit la Dr Clarke. « C’est l’autre extrême du problème de nutrition : beaucoup de gens souffrent de maladies non-transmissibles liées à leur alimentation, comme le diabète de type deux. Il est difficile de faire pousser des fruits et des légumes ici, rendant complexe l’accès à de la nourriture saine et nutritive. Une grande partie de la nourriture est importée et contient beaucoup de gras et de sucre ».
Charge de morbidité
En effet, la morbidité est un problème majeur aux Kiribati. L’archipel connait, d’une part, une des plus fortes prévalences dans le Pacifique de maladies transmissibles comme la tuberculose ou la lèpre. D’autre part, il subit une crise de maladies non-transmissibles avec le second plus haut taux de morts prématurées causées par le diabète de type deux. De surcroît, il est frappé par un taux de mortalité infantile parmi les plus élevés dans la région.
« La morbidité est immense pour un si petit pays », déplore le Dr Tinte Itinteang, Ministre de la santé et des services médicaux des Kiribati. « La mortalité maternelle est une des pires dans la région. La mortalité infantile équivaut à dix fois celle de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande et est aussi une des plus élevée de la région. Ces tendances ne sont pas apparues du jour au lendemain, et certaines se sont dégradées depuis les dix dernières années ».
Les besoins sanitaires sont immenses pour un si petit pays.
La tyrannie de l’espace
Les Kiribati ne sont peuplées de pas plus de 120 000 personnes, la moitié desquelles vivent sur une seule île, Sud Tarawa, là où se trouve la capitale Tarawa. Le reste de la population est repartie sur les 33 autres îles extérieures.
La taille de l’archipel, l’isolement de certaines de ses îles limitent la capacité du gouvernement à fournir des soins de santé adéquats. L’un des principaux obstacles est le manque de personnel médical qualifié.
Beaucoup de médecins des Kiribati partent à l’étranger pour saisir des opportunités professionnelles, alors que le pays a vu 30 de ses infirmiers et infirmières les plus expérimentées migrer vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande durant les 12 derniers mois, raconte le Directeur Général de la Santé, le Dr Revite Kirition. « Il y a des médecins qui ne sont jamais revenus à la suite de leur formation ; ils ont fini leur doctorat et ont simplement décidé de quitter les Kiribati. »
MSF travaille aux Kiribati depuis octobre 2022, en partenariat avec le Ministère de la Santé et des Services Médicaux, afin d’améliorer la qualité des soins maternels et pédiatriques.
L’équipe MSF dans la capitale est compsée d’une pédiatre, une obstétricienne, une sage-femme et une infirmière pédiatre. Elle travaille avec le personnel du Ministère de la Santé pour fournir des soins dans le principal hôpital du pays, mais œuvrent également au développement des compétences du personnel local.
Une autre équipe MSF travaille dans les îles extérieures. Elle donne des formations aux infirmiers et infirmières i-Kiribati en soins néonataux ainsi qu’à l’identification des femmes présentant un haut risque de diabète gestationnel pendant leur grossesse.
L’isolement est un obstacle à l’acheminement du matériel médical
La Dr Clark a pu constater par elle-même la difficulté pour le Ministère de la Santé et des Services Médicaux d’obtenir le matériel et les médicaments nécessaires.
« Nous avons rencontré des difficultés pour nous approvisionner en médicaments et équipement. Nous sommes vraiment isolés, cela prend du temps pour que quoique ce soit arrive jusqu’ici, par bateau comme en avion. Récemment, nous avons manqué de nourriture thérapeutique pour les enfants malnutris alors que nous en avions grandement besoin, » dit Dr Clarke.
Moannara Benete, en charge des magasins médicaux centraux du pays, explique qu’il est compliqué pour les Kiribati d’avoir accès à des médicaments essentiels dans un délai adéquat et à des prix raisonnables. « Lorsque nous avons reçu les laits thérapeutiques F75 et F100, utilisés pour soigner les bébés souffrant de malnutrition, ils étaient déjà expirés car ils ont mis 8 mois à arriver d’Europe ».
« Nous n’avons selon moi ni le pouvoir d’achat ni le poids suffisant pour négocier. Selon moi nous devrions travailler avec nos voisins du Pacifique afin d’assurer notre approvisionnement en matériel médical sur le plan régional. Nous sommes face à une situation critique, et nous avons urgemment besoin d’assistance. »
© Karim Eldib/MSF