MSF explore de nouvelles approches contre le VIH/sida
© Giorgos Moutafis
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A l’occasion de la journée mondiale contre le VIH/sida, le point sur les nouvelles approches contre la maladie mises en place au Swaziland.
Trente ans après le début de l’épidémie de VIH/sida et plus d’une décennie après l’introduction des médicaments antirétroviraux (ARV) dans les pays en développement, les dernières études scientifiques montrent que non seulement le traitement maintient les gens en bonne santé mais empêche aussi la propagation du virus à d’autres. Basées sur ces résultats, plusieurs nouvelles approches thérapeutiques sont apparues, notamment en prescrivant des ARV plus tôt dans la progression de la maladie. Douze ans après avoir commencé à fournir des antirétroviraux dans les pays en développement, Médecins Sans Frontières (MSF) compte maintenant plus de 222 000 personnes sous traitement dans 23 pays. Dans plusieurs de ses projets, l’organisation médicale a commencé à introduire certaines de ces nouvelles approches. Micaela Serafini, référente médicale pour MSF, évoque le travail de l’organisation au Swaziland, qui consiste à soigner de façon plus précoce les femmes enceintes vivant avec le VIH/sida, à développer le dépistage et le traitement au sein des communautés et à mettre en œuvre une technologie améliorée pour suivre l’efficacité des soins.
Pourquoi est-il important de prescrire des ARV aux personnes vivant avec le VIH/sida, dont le système immunitaire est encore fort?
Aujourd’hui, pour déterminer quand commencer les ARV, nous mesurons le niveau des globules blancs (CD4) d’une personne séropositive. C’est un bon indicateur de l’état du système immunitaire. Pour l’instant, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande une mise sous ARV lorsque le taux de CD4 tombe à 350 cellules par milligramme cube de sang. Plus ce nombre est bas, plus la personne aura de risques d’attraper des infections opportunistes comme la tuberculose.
Relever le seuil de CD4 de 350 à 500 serait une étape positive. Car davantage de gens bénéficieraient d’un traitement et une initiation précoce maintient la santé des patients. De plus, nous savons désormais que le traitement lui-même limite la transmission du virus. Le traitement est donc un élément essentiel de la prévention.
Au Swaziland, MSF est en train d’étudier la faisabilité d’offrir à toutes les personnes séropositives un traitement, quel que soit leur taux de CD4. Cette approche nous permettrait d’avoir un impact maximal sur la réduction de la maladie ainsi que sur la transmission du VIH dans la population.
Au Swaziland, nous avons commencé avec la mise en œuvre d’un protocole de traitement grandement amélioré pour les femmes enceintes. La prévalence du VIH parmi cette population est extrêmement préoccupante, atteignant jusqu’à 40%! Le but est non seulement de mieux prévenir la transmission du VIH entre la mère et son enfant mais aussi de garder les mères en bonne santé. Cela protège aussi les bébés issus d’éventuelles futures grossesses et cela préserve le partenaire de la mère s’il est séronégatif. Nous voulons mettre sous traitement les femmes enceintes séropositives pendant toute leur vie, quel que soit leur taux de CD4.
Ce nouveau projet pilote vient de commencer dans le sud du pays, dans la région de Shiselweni, qui a une population de 208 000 personnes. Nous espérons mettre sous ARV 3 000 femmes enceintes chaque année. En 2013, nous allons étendre cette approche à d'autres groupes vulnérables et, finalement, à tous les adultes séropositifs dans la région.
Les personnes concernées sont-elles disposées à se faire tester pour le VIH?
Alors que les femmes enceintes au Swaziland se rendent dans les centres de santé pour se faire tester, notre principale difficulté est de convaincre les hommes d’en faire de même. Puisqu’ils sont réticents à venir vers nous, nous devons aller vers eux. Au Swaziland, MSF a mis en place des activités de dépistage communautaires. Typiquement, un travailleur communautaire conseille et teste la personne et l’oriente vers un centre de santé, si le résultat est positif.
Un autre aspect important de soins contre le VIH est de s’assurer que le traitement porte ses fruits grâce à un suivi régulier. Qu’est-ce que la «charge virale» et pourquoi MSF l’utilise-t-elle?
Alors que nous mesurons le CD4 pour vérifier l’état du système immunitaire et pour déterminer à quel moment une personne doit commencer le traitement, la charge virale nous indique si le virus est toujours capable de se multiplier, ce qui est un signe d’adhérence au traitement. Par expérience, nous savons qu’un patient avec des problèmes d’adhérence identifié par la surveillance de sa charge virale pourra être remis sur la bonne voie grâce à des conseils adéquats. La surveillance de la charge virale peut aussi aider à détecter si le virus a développé des résistances aux médicaments et ainsi passer immédiatement à d’autres substances.
La mesure du CD4 prend beaucoup plus de temps pour montrer comment les patients répondent à leur traitement, car le système immunitaire ne réagit pas immédiatement au virus. La charge virale équivaut à un SMS, alors que tester le CD4, c’est comme une lettre envoyée par la poste.
En décentralisant le suivi de la charge virale, le patient peut faire ses tests dans un centre de santé local, au lieu d’entreprendre un long trajet jusqu’à l’hôpital de district. Voilà notre but avec les mini-laboratoires que nous avons mis en place au Swaziland dans les cliniques et les centres de santé éloignés. Les cliniques sont maintenant équipées de tout le nécessaire pour faire des tests VIH, relever le CD4, effectuer des tests de grossesse et de la biochimie. La charge virale sera ajoutée à cet éventail.
La mesure de la charge virale nous dit aussi immédiatement si le nouveau-né d’une mère séropositive a été infecté ou non. Avec le test de diagnostic rapide actuel, les enfants ne peuvent être testées pour voir s’ils sont séropositifs que six mois après avoir arrêter l’allaitement, car autrement il est impossible de déterminer si les anticorps anti-VIH présents dans leur sang proviennent de la mère ou de l’enfant. À l’heure actuelle, le risque de décès chez les enfants atteints du VIH est élevé, parce que les outils disponibles ne leur permettent pas d’être diagnostiqués à la naissance et donc de commencer le traitement au plus tôt. Heureusement, la charge virale peut changer les choses mais il faut le généraliser.
© Giorgos Moutafis