Santé mentale à Diffa: «Aïcha a arrêté de jouer»

Niger, Diffa, 01 août 2018

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Plus de 250000 personnes (réfugiées, déplacées à l'intérieur de leur propre pays ou rapatriées) ont cherché refuge à Diffa, fuyant le conflit entre les groupes armés non étatiques et les forces militaires. Selon l'UNICEF, environ 70% d'entre elles sont des enfants. MSF développe un programme de santé mentale et d'appui psychosocial, pour venir en aide aux enfants victimes de traumatismes psychologiques suite aux violences qu'ils ont subies ou observées.

Aïcha vit dans le camp de personnes déplacées à Kindjandi, dans la région nigérienne de Diffa, sur les rives du lac Tchad et à la frontière avec le Tchad et le Nigeria. Elle a seulement 9 ans.

Le groupe armé a attaqué notre village et nous a forcés à fuir. Nous avons entendu des tirs, et un de nos cousins a été tué par des balles perdues alors qu'on s’échappait.

Fatsouma, la mère d’Aïcha

« En arrivant, Aicha avait arrêté de s’amuser, elle ne jouait pas avec les autres enfants et s’isolait. Elle n’arrivait plus à manger et avait commencé à perdre beaucoup de poids. Des cauchemars hantaient ses nuits. Elle se levait et se mettait à courir, à fuir, et moi je devais la rattraper. »

Les histoires d’Aïcha et de milliers d’enfants qui se sont réfugiés à Diffa se ressemblent : celles de victimes ou témoins d'actes de violence perpétrés par des groupes armés ; séquestrés, séparés de leur famille ou contraints de fuir. Tous ont connu la perte d’un ou plusieurs proches et la peur. Une fois installés dans un lieu relativement sûr, beaucoup d’entre eux continuent de revivre ces événements traumatisants.

Les enfants et les adolescents victimes de conflits doivent faire face à des situations difficiles et à des souvenirs douloureux, alors qu’ils n'ont pas encore développé de mécanismes d'adaptation leur permettant de faire face à leur souffrance. Ils développent souvent un trouble de stress post-traumatique ou une dépression. Les symptômes varient et peuvent inclure notamment nervosité intense et anxiété, peur constante et hyper-vigilance, apathie et abstinence, manque d'appétit, comportements régressifs, cauchemars, comportements agressifs et reconstitution de la situation traumatique dans les  jeux.

En outre, dans les crises humanitaires, les soins de santé mentale et psychosociale pour enfants sont généralement un besoin invisible. Ils ne sont donc pas couverts, bien que le risque de développer un trouble mental naisse souvent pendant l’enfance.

La santé mentale, enjeu sanitaire majeur dans la région

A Diffa, Médecins Sans Frontières (MSF) développe un programme de santé mentale et d’appui psychosocial avec pour limiter le plus possible le nombre d’enfants vivants les répercussions psychologiques et sociales des évènements traumatiques qu’ils ont vécus. En s’appuyant sur la sensibilisation communautaire, l´intégration des centres de soins et différents programmes de prise en charge psychologique, l’équipe tente de faire de la santé mentale une partie intégrale des enjeux sanitaires dans la région.

Pour inciter davantage de jeunes patients à rejoindre le programme, MSF a formé 100 agents communautaires pour qu'ils identifient les symptômes les plus fréquents de problèmes de santé mentale. Grâce à cette stratégie, le nombre d'enfants pris en charge par MSF a augmenté de façon exponentielle. Entre les mois de mars et juin 2018 seulement, environ 700 consultations ont été réalisées auprès d'enfants de moins de 14 ans.

 

Le jeu comme thérapie

« Pour aider ces enfants, nous devons obligatoirement les faire jouer. Le traumatisme subi peut affecter les différentes fonctions mentales, à la fois psychomotrices, affectives et cognitives. Le jeu leur permet non seulement  de s'exprimer, et, au-delà, encourage également leur développement », explique Yacouba Harouna, psychologue nigérien et responsable des activités de santé mentale de MSF à Diffa.

L’état de santé des enfants s’est beaucoup amélioré. Aïcha aussi va mieux : « Le programme l’a beaucoup aidée. Elle ne fait plus de cauchemars et elle part jouer avec ses amis », explique sa mère. Mais alors que le programme tente d'aider les enfants à surmonter leurs traumatismes, les raisons sous-jacentes de leurs souffrances mentales sont toujours là.

Malheureusement, la situation à Diffa n’est toujours pas revenue à la normal. Les attaques dans les camps se poursuivent.

Francisco Otero y Villar, chef de mission MSF au Niger

« Le conflit est toujours présent dans la vie quotidienne de ces enfants et adolescents. De plus, le manque de moyens et l’incertitude quant à l’avenir pèsent lourdement sur de nombreuses familles ; sans argent ni possibilités de travail, beaucoup de personnes dépendent entièrement de l'aide humanitaire », poursuit Francisco Otero y Villar, chef de mission MSF au Niger.