Diffa: le poids de la violence
© Juan Carlos Tomasi/MSF
Niger6 min
Depuis plus de trois ans, le conflit ouvert entre Boko Haram et les armées dans la région du lac Tchad fait des ravages parmi la population civile.
De nombreuses personnes ont fui leur foyer et ont tout laissé derrière elles pour se réfugier dans d’autres villages, et même traverser les frontières. Selon les autorités, plus de 240000 personnes déplacées et réfugiées se trouvent à Diffa, dans le sud-est du Niger, à la frontière avec le Tchad et le Nigeria. La plupart d’entre elles ont été contraintes de fuir à cause de la violence.
Les conséquences d’un conflit ouvert
Malgré le calme relatif et l’absence de déplacements majeurs au cours des derniers mois, la situation à Diffa reste extrêmement instable. Les attaques sporadiques de Boko Haram et les opérations militaires forcent les populations civiles à se déplacer continuellement à la recherche de sécurité et dans l’espoir d’une paix future. Garba, qui travaille en tant que gardien pour MSF à Garin Wazam un site pour personnes déplacées situé à 58 kilomètres de la ville de Diffa, se souvient du nombre d’endroits qu’il a traversé au cours des trois dernières années: « Après avoir quitté mon village au Cameroun, je me suis déplacé environ 15 fois. D’abord au Nigeria, puis au Niger. J’ai dû fuir un lieu après l’autre en raison des attaques repétées. » Comme Garba, de nombreuses personnes à Diffa ont subi les conséquences dévastatrices du conflit.
La pression sur la communauté locale a, elle aussi, radicalement augmenté. À l’heure actuelle, environ 100 000 personnes vivent dans une situation de vulnérabilité extrême. En effet, elles manquent de nourriture, d’eau, d’installations sanitaires adaptées et d’accès aux ressources naturelles. Le conflit a affecté les activités agricoles et d’élevage autour de la rivière Komadougou, à la frontière avec le Nigeria, et sur les rives du lac Tchad, détruisant une source importante d’activités socio-économiques pour cette population. À Diffa, les mesures de sécurité prises par les autorités en raison du conflit ont également fait des ravages sur les échanges commerciaux. Par exemple, le commerce du poisson et de certains légumes est interdit, de même que les déplacements en moto, deux activités qui représentent une source de subsistance importante.
Soins médicaux aux plus vulnérables
Malgré la présence d’un grand nombre d’acteurs humanitaires à Diffa, le manque de gestion et de coordination nuit à la satisfaction des besoins fondamentaux. De nombreuses familles qui vivent sur les sites accueillant les personnes déplacées ne disposent toujours pas d’eau, de nourriture et d’infrastructures sanitaires.
D’autre part, à cause des distances et des contraintes sécuritaires, l’accès aux soins est un défi quotidien De plus, la population doit payer pour les consultations médicales, les tests de laboratoire et les médicaments, un facteur limitant majeur pour les populations les plus vulnérables n’ayant pas les moyens de payer pour ces services.
En réponse à cette situation, MSF prend en charge les soins de santé primaire, celle sexuelle et reproductive et celle mentale, ainsi que les activités de vaccination et de dépistage nutritionnel dans huit centres de santé situés dans les districts de Diffa, Bosso et Nguigmi.
La présence de l’organisation peut faire la différence pour les personnes les plus vulnérables, aussi bien parmi les populations déplacées qu’autochtones: « Toumour se trouve à 80 kilomètres de la ville de Diffa et qui à la suite du conflit, est devenu un lieu isolé. La population manque de nourriture, d’eau et de travail. Cependant, environ 3 900 personnes bénéficient chaque mois des consultations médicales gratuites que nous offrons au centre de santé, en collaboration avec les autorités sanitaires », explique Audace Ntezukobagir, coordinateur d’urgence MSF à Diffa.
Infections respiratoires et hépatite E
Les infections respiratoires aiguës représentent une grande partie des consultations médicales ambulatoire, en particulier durant les premiers mois de l’année, spécialement chez les femmes et les enfants. « Ceci est clairement lié au climat aride de la région, surtout pendant la saison sèche, ainsi qu’aux conditions de vie désastreuses de nos patients. La population souffre également de diarrhée, qui s’explique en partie par la faible quantité et la mauvaise qualité de l’eau disponible pour les populations déplacées », déclare Audace Ntezukobagir.
Pour les autorités et les acteurs humanitaires dans la région, le plus urgent reste de mettre à disposition des populations déplacées des infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Un besoin qui a de nouveau été mis en évidence par la récente épidémie d’hépatite E dans la région.
Soutien en santé mentale
La plupart des personnes déplacées à Diffa ont vécu des situations dramatiques en raison du conflit. MSF apporte un soutien mental aux victimes de la violence au travers de consultations individuelles, de séances de psychoéducation et de soutien au niveau des communautés. Depuis le début de l’année, des séances en groupe ont également débuté. «Nos groupes sont composés de femmes déplacées et réfugiées, toutes victimes du conflit. Les discussions visent à briser l’isolement, à partager des expériences communes et à trouver des solutions ensemble. L’objectif principal est de faire face aux sentiments de détresse causés par des événements traumatiques similaires», explique Yacoubou Harouna, psychologue MSF à Diffa.
MSF à Diffa
Depuis fin 2014, MSF travaille dans la région de Diffa pour aider les personnes fuyant la violence liée à la présence du groupe Boko Haram et à l’intervention militaire dans la région. MSF assure une assistance médicale et psychologique gratuite dans huit centres de santé de la région. De plus, l’organisation soutient l’approvisionnement en eau potable, l’installation de latrines et la distribution de biens de premières nécessités dans plusieurs villes et lieux où se sont rassemblées des personnes déplacées, réfugiées et rapatriées.
En outre, MSF soutient le ministère de la Santé dans deux hôpitaux: l’hôpital Nguigmi et le principal centre de santé maternelle et infantile de la ville de Diffa. Dans les deux hôpitaux, MSF travaille dans les unités de santé reproductive et pédiatrique, et offre un soutien en santé mentale. À l’hôpital de Nguigmi, l’équipe traite également des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère.
© Juan Carlos Tomasi/MSF