Syrie: «La guerre dure depuis neuf ans, mais cette année vaut les neuf années passées.»
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Des centaines de milliers de personnes ont fui l’offensive menée par les forces armées syriennes depuis le 1er décembre sur le dernier bastion tenu par les rebelles. Une médecin MSF, qui a souhaité rester anonyme, intervient dans le camp de Deir Hassan, à 30 km à l'ouest d'Alep. Voici son témoignage.
« La semaine dernière, l'armée a progressé rapidement dans l’ouest de la province d’Alep. Les gens ne s’y attendaient pas. Ils ont quitté leur maison à Al Atarib, Abian, Kafr Naha, Kafr Nouran ou Maarat.
Ceux qui n’avaient pas trouvé de voiture sont partis à pied. Ils ont marché des kilomètres dans le froid, sans affaires, ni rien pour se réchauffer. Certains ont fui uniquement avec les vêtements qu'ils portaient alors qu’il neige depuis deux ou trois jours ici et dans toute la province d’Idlib.
Vous voyez des gens assis sur le bord des routes avec des couvertures. Vous voyez des femmes avec leurs enfants dans les bras, enveloppés dans des couvertures.
Vous voyez des enfants assis dans la neige sous les oliviers. Cela vous fait pleurer.
Beaucoup vont vers les villes d’Afrin et d’Azaz. Ils savent qu'il n'y a pas de maisons à louer, mais peut-être qu’ils trouveront de la place chez des gens qu’ils connaissent. Sinon, ils devront rester dehors jusqu'à ce que quelqu'un leur donne une tente. D'autres personnes errent sans but, ne sachant pas où aller.
Dans la ville d'Al-Dana, il y en a qui vivent dans des bâtiments toujours en chantier, avec un toit, des murs, mais pas de fenêtres. La plupart ne trouvent pas de logement en ville, et ils sont obligés de planter des tentes, n’importe où ils peuvent.
La région est couverte de tentes, et plus vous vous rapprochez de la frontière turque, plus vous en voyez. Ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter une tente s’installent avec d'autres familles sous leur tente. Il y a des personnes qui mettent leurs affaires par terre parce qu’elles n’ont pas encore d’abris et vivent comme ça, dehors. Elles ont très froid, c'est catastrophique.
Quel que soit leur âge, les gens sont malades à cause du froid. Ils n’ont rien pour se chauffer et n’ont pas non plus de médicaments. Ils sont partis de chez eux sans rien, alors ils ont besoin de tout.
Moi aussi je suis une déplacée. Dans le village où je vis désormais, nous entendons les bombardements des lignes de front pas loin. C'est effrayant et c’est stressant. J’ai maintenant l’expérience des déplacements et je suis prête à prendre la fuite à tout moment.
La guerre dure depuis près de neuf ans, mais cette seule année vaut les neuf années passées si l'on considère toutes les difficultés que nous traversons. Cette année, les attaques ont été plus brutales, avec toutes sortes d'armes : artillerie, frappes aériennes, lance-roquettes, mitrailleuses… On sait que le pire peut arriver n’importe quand.
Les gens sont complètement perdus et ne comprennent pas ce qui se passe. La peur nous a terrassés. Nous ne savons pas ce qu’il se passe sur le plan politique et nous ne savons pas ce qui va arriver. Personne ne sait ce qui se passera demain, on sait seulement qu'il y a des bombardements et que les forces régulières avancent.
Tout ce que nous voulons, c'est un endroit sûr où vivre. »
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