Grèce: un nouveau rapport de MSF épingle les «hotspots» mis en place par l’Union européenne
© Evgenia Chorou
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Un rapport publié aujourd'hui par Médecins Sans Frontières fournit, pour la première fois, un aperçu consolidé des données médicales recueillies par l'organisation sur les îles grecques au cours des cinq dernières années.
La mauvaise condition physique et psychologique des migrants n'est malheureusement pas nouvelle. Plus alarmant, aucune amélioration de cette situation n’est constatée à travers l’action des pays européens, dont la Suisse, ces dernières années.
MSF appelle ainsi également la Suisse à prendre position contre cette politique délibérée de confinement et de dissuasion, partie au traité dit « de Dublin », qui englobe les 27 membres de l'Union européenne, dont la Grèce, ainsi que le Liechtenstein, la Norvège et l'Islande.
Le traité de Dublin détermine l’État membre responsable du traitement d'une demande d'asile, de sorte qu'une demande ne soit examinée qu'une seule fois dans l'espace Dublin - et ce, dans l’État situé à la frontière extérieure de cet espace, à l’image de la Grèce.
Le rapport, intitulé « Constructing Crisis at Europe’s Borders », insiste sur les politiques migratoires de l'UE qui mettent en péril la santé, le bien-être et la sécurité des personnes bloquées sur les îles grecques. La Suisse, bien que n'étant pas membre de l'UE, est associée au règlement de Dublin qui détermine les responsabilités en matière de demandes d'asile entre pays européens et est donc également co-responsable des personnes qui cherchent une protection en Europe. Les personnes qui ont survécu à la violence et à l'adversité sont bloquées dans des conditions épouvantables, sans informations sur leur statut juridique et soumises à des procédures brutales aux frontières et en matière d'asile. Ce système a infligé la misère, mis des vies en danger et érodé le droit d'asile.
« Bien qu'ils prétendent changer pour le mieux, l'UE et le gouvernement grec dépensent des millions d'euros pour standardiser et intensifier des politiques qui ont déjà fait tant de mal », déclare Iorgos Karagiannis, chef de mission MSF en Grèce.
En 2019 et 2020, les cliniques de santé mentale de MSF à Chios, Lesbos et Samos ont soigné 1369 patients, dont beaucoup souffraient de graves troubles en santé mentale, notamment de stress post-traumatique et de dépression. Plus de 180 personnes soignées par MSF s'étaient automutilées ou avaient tenté de se suicider. Deux tiers d'entre elles étaient des enfants, la plus jeune n'avait que six ans.
Les patients de MSF ont cité le stress quotidien et les peurs constantes comme des facteurs importants ayant un impact sur leur bien-être et leur santé mentale. Il s'agit notamment du fait de vivre dans de mauvaises conditions, des procédures administratives et d'asile compliquées, de l'exposition à la violence et à l'insécurité, de la séparation des familles, des besoins médicaux non satisfaits et de la peur de l'expulsion.
De plus, pendant des années, les besoins vitaux les plus élémentaires ont été négligés sur les îles grecques. MSF et d'autres ONG ont continuellement été obligées d'intervenir pour fournir des services cruciaux, allant des soins de santé à l’approvisionnement en eau. Entre octobre 2019 et mai 2021, les équipes de MSF ont acheminé par camion plus de 43 millions de litres d'eau potable pour les habitants du hotspot surpeuplé de Vathy, sur l’île de Samos, où l'eau n’est pas potable.
« Il est choquant de constater que le hotspot de Moria, sur l’île de Lesbos, qui était non seulement dysfonctionnel mais aussi mortel, sert désormais de modèle pour un nouveau centre de type carcéral à Samos. Ce nouveau centre, situé dans une zone isolée et exposée de l'île, accueillera des personnes dans des conteneurs de transport, entourés de fils barbelés, avec des entrées et sorties contrôlées. Ce projet ne peut être vendu comme une amélioration des conditions de vie des gens. Au contraire, cela continuera à détériorer la santé mentale des personnes, à provoquer une nouvelle crise de protection et à rendre encore plus invisible la souffrance des personnes piégées sur les îles grecques. »
L'UE et le gouvernement grec intensifient la crise en prévoyant de nouveaux centres polyvalents d'accueil et d'identification dans des endroits reculés des îles grecques. L'un de ces centres restrictifs est déjà en cours de construction à Samos et pourrait être opérationnel en juin 2021.
© Evgenia Chorou