Afghanistan: «Beaucoup d'enfants malnutris meurent de complications liées à la rougeole»

Saed Bibi donne un verre de lait à son fils Saddiqulah

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En février, plus de 1 400 enfants atteints de rougeole ont été pris en charge par les équipes MSF en Afghanistan, dans le cadre des projets de Lashkar Gah et d’Hérat. La moitié d’entre eux étaient atteints de complications qui ont nécessité une hospitalisation. Une situation d'autant plus inquiétante que de nombreux enfants souffrent également de malnutrition aiguë sévère dans ces régions.

Zainab n'a pas bien dormi la nuit dernière, car elle s'inquiétait pour son fils d'un an, Takberullah. Depuis trois jours, il se trouve dans l'unité de soins intensifs pédiatriques de l'hôpital Boost soutenu par MSF à Lashkar Gah, dans la province du Helmand. Ses deux sœurs et lui ont eu de la fièvre et de la diarrhée il y a dix jours, mais son état s’est fortement dégradé. Une éruption cutanée est apparue et sa mère l'a amené à l'hôpital Boost, où on lui a diagnostiqué la rougeole.

Il est dans un état critique et souffre aussi d'une pneumonie potentiellement mortelle et d'hypoglycémie. Takberullah reçoit de l'oxygène, des antibiotiques et du glucose pour lutter contre les complications. « Combien de temps devra-t-il rester ici ? s’interroge Zainab. J'ai d'autres enfants malades à la maison, je ne sais pas comment ils vont. » De décembre à fin février, en moyenne, plus de 150 enfants atteints de la rougeole ont été admis chaque semaine à l’hôpital Boost, et 40% d'entre eux présentaient une complication grave.

Rougeole et malnutrition, une combinaison mortelle

À Hérat, dans l’ouest de l’Afghanistan, les équipes MSF ont augmenté le nombre de lits dédiés aux patients atteints de maladies infectieuses, passant de 8 à 20 places disponibles, mais le service était encore submergé par les enfants atteints de rougeole, dont près de 800 ont été pris en charge pendant le mois de février. Des travaux de réhabilitation sont en cours pour transformer un bâtiment existant en une unité de 60 lits dédiés à la prise en charge de la rougeole, avec un service de soins intensifs et un autre pour les hospitalisations. 

Un enfant atteint de rougeole dans une salle de l'hôpital Boost à Lashkar Gah. Afghanistan

Un enfant atteint de rougeole dans une salle de l'hôpital Boost à Lashkar Gah. Afghanistan. 24.02.2022

© Tom Casey/MSF

La situation est d'autant plus alarmante que l'Afghanistan fait déjà face à une crise nutritionnelle. « 60 % des cas de rougeole que nous voyons arriver à l'hôpital régional d'Hérat nécessitent une hospitalisation et la moitié de ceux que nous admettons en soins intensifs souffrent également de malnutrition », explique Sarah Vuylsteke, coordinatrice du projet MSF d’Hérat. Pendant des mois, les enfants recevant des soins dans les centres nutritionnels de MSF dans le Helmand et à Hérat ont souvent dû partager des lits, faute de places. Dans les deux projets, de janvier à fin février, près de 800 enfants ont été admis pour malnutrition aiguë sévère.

« La plupart des enfants que nous recevons dans notre centre de nutrition et notre unité de soins intensifs ont eu la rougeole récemment, explique Fazal Hai Ziarmal, chef d'équipe médicale MSF à l'hôpital Boost. La rougeole endommage le système immunitaire des enfants, ce qui les empêche de lutter efficacement contre les complications telles que les infections respiratoires. Si un enfant souffre de malnutrition, ce qui est fréquent actuellement en Afghanistan, son système immunitaire est très faible et cela peut entraîner une infection rougeoleuse plus grave et prolongée. Beaucoup d'enfants malnutris meurent de complications liées à la rougeole. »

Déficit de vaccination

La rougeole peut être évitée grâce à la vaccination, mais la couverture vaccinale en Afghanistan est faible et c'est une des causes de l'augmentation rapide des cas. Plusieurs familles habitent parfois sous un même toit, des conditions parfaites pour une propagation rapide de la maladie. Certains enfants se remettent de la rougeole par eux-mêmes tandis que d'autres ont besoin d’une mise sous traitement pour traiter leurs complications. Mais ces médicaments peuvent être difficiles à trouver en Afghanistan, car de nombreux établissements de santé en manquent. Cela signifie que certains parents doivent acheter ces médicaments dans les pharmacies locales.

« Mes 12 petits-enfants sont tombés malades, mais ces trois-là souffrent le plus, explique Han Bibi à l’hôpital Boost. Nous avons acheté des médicaments dans notre village, mais l’état des enfants ne s’est pas amélioré, alors nous sommes venus ici. La plus âgée pleurait en disant que sa poitrine était douloureuse et elle vomissait. Elle boit beaucoup d'eau, mais ne peut rien avaler d'autre. ».

« Dans notre projet d’Hérat, deux enfants meurent chaque jour des complications liées à la rougeole. Je n’ose pas imaginer ce qu’il se passe dans les autres régions du pays, où les gens n'ont pas accès à des soins adaptés », explique Sarah Vuylsteke. Les établissements de santé ruraux, que les équipes MSF ont visités, ne peuvent prendre en charge que les patients atteints de rougeole avec des complications bénignes. 

« Pour les enfants les plus vulnérables, ils ne peuvent pas faire grand-chose. De notre côté, nous pouvons augmenter le nombre de lits dans les endroits où travaille MSF, mais cela ne résoudra pas le problème. À moins qu'il n'y ait une campagne de vaccination généralisée, nous continuerons à voir le nombre de cas de rougeole augmenter au cours des six prochains mois, mettant encore plus de pression sur un système de santé déjà fragile. À plus long terme, le programme de vaccination contre la rougeole devrait être renforcé afin que les enfants puissent être vaccinés systématiquement, plutôt qu'en réponse à une augmentation du nombre de cas », conclut Sarah Vuylsteke.

Dans la ville de Kunduz, MSF a financé le personnel et l'équipement d'un nouveau service dédié à la prise en charge de la rougeole de 35 lits au sein de l'hôpital régional. Le service a ouvert le 27 février et le lendemain matin, il comptait déjà plus de patients que de lits.