Confinement, violence et chaos à Lesbos

Grèce, 04.05.2018

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Sur l’île de Lesbos, en Grèce, avec une population de migrants et de réfugiés en constante augmentation, la situation dans le camp de Moria continue de dégénérer, avec des émeutes et des affrontements réguliers, des actes de violence sexuelle, et la dégradation de l’état de santé mentale des milliers de personnes bloquées dans le camp.

A Moria, il y a actuellement plus de 8 000 personnes entassées dans un espace conçu pour 3 000. En conséquence, les conditions sont si mauvaises que la santé et en particulier la santé mentale des personnes sont gravement menacées. Ces derniers mois, MSF a été témoin de l’escalade de la violence, chaque jour, à Moria, et a soigné des cas de violence sexuelle pour des agressions ayant eu lieu dans et autour du camp.

Une latrine pour 72 personnes

Une grande partie de cette tension est causée par la surpopulation et l’absence de conditions de vie décentes. Dans la zone principale du camp de Moria et d’Olive Grove, il y a en moyenne une latrine fonctionnelle pour 72 personnes et une douche pour 84 personnes. C’est largement en-dessous des standards humanitaires recommandés lors de situations d’urgence.

MSF craint que l’insécurité, l’absence de conditions de vie acceptable et l’incertitude dans laquelle vivent ces personnes pendant des mois ou des années, ne portent gravement atteinte à la santé mentale des habitants. La clinique MSF spécialisée en santé mentale à Mytilène accepte uniquement les cas psychologiques sévères et ne peut accueillir davantage de patient.

« L’une des raisons pour lesquelles la santé mentale des personnes se détériore si drastiquement ici, à Lesbos, est le fait qu’elles ont vécu des expériences traumatisantes auparavant et qu’elle espéraient retrouver espoir et dignité en arrivant en Europe. Mais elles ne trouvent que le contraire : davantage de violence et des conditions inhumaines », déplore Giovanna Bonvini, en charge des activités de santé mentale dans la clinique de Mytilène. « L'autre jour, un jeune homme victime de violence sexuelle, en pleine crise psychotique, a été amené par un ami à la clinique. Il avait des troubles de stress post-traumatique et souffrait d’hallucinations et de flashbacks, et pendant la session qui a duré deux heures, il  ne pouvait pas s’arrêter de pleurer », explique Giovanna Bonvini.  « Il a peur de l’obscurité et est constamment terrifié à l’idée d’être attaqué à Moria. L’équipe a commencé à lui prodiguer un des soins et il reçoit des sessions psychologiques intensives. Il est maintenant stable. Mais il ne pourra pas faire plus de progrès, tant qu’il vivra à Moria : il sera bloqué dans un cycle de désespoir et de détresse. »

Les enfants, à nouveau victimes de traumatismes

Actuellement, MSF reçoit chaque semaine entre 15 à 18 patients référés par d’autres organisations non gouvernementales pour des problèmes aigus de santé mentale, dont des enfants. Mais il s’agit juste la partie émergée de l’iceberg, il y a beaucoup de personnes qui souffrent de graves troubles mentaux que nous n'avons pas la capacité de soigner. Cela s’explique par le fait que MSF est la seule à dispenser des soins spécialisés pour cette population nombreuse.

« La majorité de ces personnes sont de nouveaux arrivants souffrant de troubles psychotiques dont des hallucinations, ils sont agités, confus, désorientés et ont de fortes tendances suicidaires ou ont déjà tenté de le faire. Les conditions de vie déplorables et la violence quotidienne dans le camp de Moria ont un impact sérieusement préjudiciable sur la santé mentale de nos patients et provoquent, chez beaucoup d’entre eux, d’importants problèmes mentaux. », explique le Dr. Alessandro Barberio, psychiatre MSF à la clinique de Mytilène

Lors de sessions de thérapie de groupe pour les enfants, les équipes ont fait ce constat inquiétant : ils sont traumatisés encore une fois par les expériences qu’ils endurent en vivant à Moria, et ce concerne autant les mineurs non accompagnés que les enfants vivant avec leur famille dans le camp.

Ces quatre dernières semaines, nous recevons un nombre croissant de mineurs souffrant de crises de panique, ayant des idées suicidaires ou ayant tenté de mettre fin à leurs jours.

Dr. Alessandro Barberio, psychiatre MSF à la clinique de Mytilène

MSF appelle au transfert vers des lieux sûrs

MSF appelle à ce que les personnes vulnérables de Moria soient évacuées vers des lieux où la sécurité est assurée et continue à demander à ce que les camps soient décongestionnés. MSF insiste de nouveau sur le fait qu’il est impératif de mettre fin aux politiques de confinement et appelons l’Union européenne (UE)et les autorités locales à améliorer la sécurité et l’accès aux soins de santé et dans le camp.

Ce que les équipes observent montre que la politique de dissuasion de l’accord entre l’UE et la Turquie n’est pas efficace : les gens vont continuer de fuir la guerre et la terreur pour survivre. Piéger ces gens dans des conditions épouvantables et dans l’insécurité ne fait que traumatiser encore davantage des populations déjà extrêmement vulnérables.