RDC : Malgré l’accalmie, un cycle de violence amené à se répéter dans la province de l'Ituri
© Alexis Huguet/MSF
République démocratique du Congo (RDC)3 min
Le territoire de Djugu, dans la province de l'Ituri en République démocratique du Congo, est régulièrement en proie à la violence depuis 2017 et la résurgence de conflits armés sur fond de tensions communautaires. Entre le 12 et le 28 novembre 2021, quatre attaques successives d'une violence inouïe ont frappé les sites de Tché, Drodro Paroisse, Luko et Ivo. Une nouvelle escalade de violence qui détériore la situation humanitaire et sécuritaire des sites de déplacés de la zone, augmente la vulnérabilité et l'isolement de la population.
Suzanne, 52 ans, originaire de Dhedja, était agricultrice et a fui à Ivo avec ses trois enfants. C'est la seconde fois qu’elle est contrainte de fuir, cette fois à destination du camp de Rhoe. A Ivo, elle avait vu des passants se faire tirer dessus et entendu ses voisins se faire attaquer à la machette, mais était parvenue à s’échapper avec sa famille. Ressassant sans cesse les images du massacre de ses voisins, elle peine à s’occuper de ses enfants et manque de perspectives : « je suis abandonnée à mon sort, sans nourriture, mes enfants et moi-même sommes malades depuis notre arrivée dans le site. »
Comme Suzanne, plus de 40 000 personnes ont été contraintes de se réfugier sur le site de Rhoe dans la zone de santé de Blukwa Etat, une zone difficile d'accès et où les acteurs humanitaires ont une présence réduite en raison de la récurrence de problèmes de sécurité. « Les gens ont été confrontés à de nombreuses difficultés, le froid, le manque d'abris, de latrines. Les affrontements entre groupes armés ont conduit au déplacement massif de la population, y compris des agents de santé qui ne sont, dès lors, plus au chevet de leurs patients, explique Dr Benjamin Safari, médecin de Médecins Sans Frontières (MSF) à Drodro. Les besoins sanitaires sont énormes, nous avons démarré plusieurs activités afin de renforcer les capacités de prise en charge des enfants de moins de 15 ans » précise-t-il.
A l’origine, le poste de santé avancé installé dans le camp avait vocation à référer les patients nécessitant des soins plus lourds vers l'hôpital général de référence (HGR) de la ville de Drodro, plus équipé. Suite aux derniers affrontements ayant détruit un pan de Drodro et poussé une partie de ses habitants vers le camp de Rhoe, les équipes MSF y ont été relocalisées et le poste avancé s’est transformé en quasi-hôpital de campagne aux conditions rustiques pour venir en aide aux désormais plus de 65 000 personnes, soit 40 000 de plus en deux mois. Au cours des dernières semaines de décembre 2021, les équipes médicales ont réalisé en moyenne hebdomadaire plus de 800 consultations, assisté 35 accouchements, et pris en charge plusieurs dizaines de patients nécessitant une assistance en santé mentale. A cela s’ajoutent des séances de sensibilisation dispensées par des équipes de promotion de la santé déployées sur le site, et dont les objectifs sont de détecter les cas de malnutrition aigüe, de maladies à potentiel épidémique et d’informer sur les services de soutien aux potentielles victimes de violence sexuelle.
« Bien que certains commencent à reprendre le chemin de leur foyer au vu de la fragile mais néanmoins réelle accalmie constatée ces dernières semaines, les besoins restent élevés et les accès réduits. Nous ne pourrons pas suivre ces personnes à Drodro si la sécurité n’y est pas assurée pour le personnel de santé », constate Davide Occhipinti, coordinateur de projet MSF à Drodro.
« Ceux qui restent à Rhoe n'ont nulle part où aller. Les communautés qui s’affrontent dans la région ont été délaissées depuis trop longtemps et nous ne réglerons par leurs différends avec des pansements et des médicaments. Il est nécessaire que l’Etat congolais et ses partenaires internationaux prennent leurs responsabilités pour inverser la dynamique de ce cercle vicieux qui conduit à toujours plus de morts, de blessés, et de déplacés », conclut-il.
© Alexis Huguet/MSF