Soudan du Sud : plusieurs mois après les inondations, des centaines de milliers de personnes vivent toujours dans des conditions précaires

Un homme marche dans un village inondé.

Soudan du Sud5 min

Huit mois après le début des inondations, les habitants de l’Etat d’Unity, au nord du Soudan du Sud, continuent de souffrir des mauvaises conditions de vie et sont exposés à des épidémies de maladies infectieuses et hydriques. Réparties dans plusieurs camps de fortune, les populations sont confrontées à l’insécurité alimentaire, à la perte de revenus, à la malnutrition et au manque d’eau potable. On estime que plus de 835000 personnes ont été impactées.

Lorsque le niveau des eaux de crue a commencé à monter dans son village, Nyabeel, 21 ans, et son mari étaient tiraillés quant à la décision à prendre. Quitter leur terre, dont ils dépendaient pour se nourrir, a été un choix difficile à faire. « Nous avons pris trois jours pour déménager. C’était compliqué avec quatre enfants et un troupeau de chèvres », raconte-t-elle. 

Dans son village, Nyabeel comptait sur la culture de ses terres et le lait de ses chèvres pour se nourrir. « Nous avions une vie plus stable qu’aujourd’hui, maintenant nous mangeons un repas par jour, composé de maïs. » Nyabeel a amené son enfant d’un an à la clinique mobile de MSF dans le camp de Kuermendoke, dans la ville de Rubkona, pour un traitement contre la malnutrition sévère et pour les vaccins essentiels. Kuermendoke est l’un des trois camps qui comptent un pourcentage élevé d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition aiguë sévère.

Nyataba et sa famille marche dans un paysage inondé.

Nyataba et sa famille ont marché quatre jours avant de finalement rejoindre Bentiu.

© Sean Sutton

Notre enquête nutritionnelle a démontré que la prévalence de la malnutrition aigüe sévère dans les camps est bien supérieure au seuil d’urgence de 2% fixé par l’Organisation Mondiale de la Santé.

Dr Reza Eshaghian, responsable de l’équipe médicale MSF en charge de la réponse d’urgence

« L’impact des inondations est palpable » poursuit Dr. Eshaghian. « Lorsque vous marchez dans les camps, vous voyez des enfants mal nourris, des personnes qui recueillent de l’eau sale des inondations pour la boire, du bétail qui s’effondre et leurs carcasses partout. Ces mauvaises conditions ont un impact sur la santé des populations ».

Selon les premières études de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), environ 65 000 hectares de terres cultivées ont été endommagés par les inondations, tandis que plus de 800 000 têtes de bétail sont mortes dans huit des dix Etats du Soudan du Sud. Ayant perdu une grande partie de leur cheptel, de nombreuses femmes déplacées doivent se contenter de ramasser du bois de chauffage pour se procurer un revenu. L’augmentation des prix des produits alimentaires de base rend cependant l’accès à la nourriture plus difficile pour les personnes déplacées.

Avec une augmentation de 80% des admissions au centre d’alimentation thérapeutique pour patients hospitalisés, MSF a ouvert un troisième service dans son hôpital du camp de déplacés de Bentiu. Les équipes MSF dirigent également des cliniques mobiles qui se rendent dans les camps de la région de Mayom et des environs, à Bentiu et à Rubkona, pour traiter le paludisme, la malnutrition et la diarrhée aqueuse aiguë.

Vue aerienne de la zone de traitement des déchets.

Vue aerienne de la zone de traitement des déchets.

© Sean Sutton

Pour la plupart des personnes déplacées, il est devenu presque impossible de trouver de l’eau potable. « Notre seule source d’eau pour boire, cuisine et nous laver est l’eau des inondations » explique Nyapal, mère de quatre enfants.

Avant les inondations autour de Bentiu, les installations sanitaires du camp de déplacés étaient déjà dans un état critique et rarement entretenues.

Pendant un certain temps, les inondations ont rendu impossible l’accès aux bassins de traitement des déchets. Cela a entrainé une accumulation d’eaux usées dans les latrines du camp, qui ont ensuite débordé dans les canaux d’égouts ouverts, où les enfants jouent fréquemment.

Cawo Yassin Ali, responsable eau et assainissement de l’équipe d’urgence MSF

Afin de réduire le risque d’épidémies, MSF a mis en place une station d’épuration à l’intérieur du camp pour contenir et traiter les déchets fécaux.

Alors que le niveau des eaux commence lentement à baisser autour de Bentiu, Nyabeel, Nyapal et des milliers d’autres personnes déplacées ne savent toujours pas quand elles pourront retrouver leur domicile. « Nous n’avons rien ici, nous sommes venus les mains vides, le village est recouvert d’eau, et nous ne savons pas quand cela va sécher », dit Nyabeel.

Tant que les personnes ne pourront pas rentrer chez elles, elles seront contraintes de continuer à vivre dans ces conditions précaires. Cela pose un défi supplémentaire aux acteurs humanitaires, qui doivent ne pas perdre de vue la réponse aux besoins immédiats tout en reconnaissant la nature prolongée de cette crise et en respectant les normes correspondantes au-delà du seuil d’urgence initial.

« Les besoins sont immenses, notamment en matière d’abris, d’eau potable et d’infrastructures sanitaires, de soins de santé de qualité, de sécurité alimentaire et de soutien aux moyens de subsistance. Les acteurs humanitaires, les donateurs et le gouvernement sud-soudanais doivent agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. Ils ne peuvent pas se permettre d’attendre plus longtemps », conclut le Dr Eshaghian. 

MSF travaille au Soudan du Sud depuis 1983 et mène aujourd’hui plus de 14 projets dans le pays, fournissant des services médicaux vitaux aux communautés qui en ont le plus besoin. Les équipes MSF travaillent dans des hôpitaux et des cliniques à travers le pays, menant certains de nos plus grands programmes dans le monde. Nos équipes fournissent des soins de santé de base et spécialisés et répondent aux urgences et aux épidémies qui touchent les communautés isolées, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les réfugiés du Soudan. Les équipes MSF poursuivent la préparation à la pandémie de Covid.19 et travaillent en collaboration avec le ministère de la Santé.