La Syrie face au choléra, un défi dans une situation humanitaire précaire

Team für Wasser und Hygiene Cholera-Behandlungszentrum. November 2022

Syrie5 min

Les 11 années de conflits ont sévèrement détruit les installations sanitaires, laissant les habitants du Nord de Syrie en proie aux maladies bactériennes. Le choléra n’avait pas été diagnostiqué dans le pays depuis 10 ans. Sur place, nos équipes ont recueilli des témoignages de patientes et patients.

Fatina, mère de famille convalescente

Il est 9 heures du matin dans la ville de Raqqa, ravagée par la guerre mais toujours animée, dans le nord-est de la Syrie. Fatina, originaire d'Alep, est allongée sur son lit dans un centre de traitement du choléra (CTC) soutenue par nos équipes. Elle se sent encore faible, alors une infirmière l'aide à boire une solution de réhydratation orale (SRO) dans un gobelet. La patiente se remet du choléra, une maladie qui n'a pas été vue en Syrie depuis plus de dix ans. Fatina est venue rendre visite à son fils qui s'est installé dans la ville après avoir fui les combats dans le nord-ouest du pays, il y a dix ans. Ses espoirs de retrouvailles heureuses ont été rapidement anéantis lorsqu'elle est tombée malade peu après son arrivée. Aujourd'hui, elle s'apprête à revoir sa famille, via un appel vidéo.

« Je suis venue à Raqqa pour rendre visite à mon fils il y a plusieurs jours, et puis je me suis retrouvée ici », a déclaré Fatina. Ayant survécu au conflit qui secoue la région depuis 2011, Fatina a découvert  une nouvelle menace qui se profile. « J'ai d'abord été hospitalisée à l'hôpital national de Raqqa, puis mon  état s'est aggravé. Je souffrais d'un mal de tête sévère, de diarrhée et de vomissements incontrôlables lorsque je suis arrivée au CTC. Je ne savais pas pourquoi j'étais si malade, mais j'avais l'impression de mourir ».

Fatina Racca. Syrie, Novembre 2022.

Fatina au CTC de Racca. Syrie, Novembre 2022.

© Azad Mourad/MSF

Dans le nord-est de la Syrie, nous répondons à l'épidémie en collaboration avec les autorités sanitaires locales, en apportant notre soutien au centre de traitement du choléra (CTC) à Raqqa, un ancien centre de prise en charge du Covid-19.

Depuis que l'épidémie de choléra a été déclarée en septembre, MSF a traité plus de 3 000 cas suspects dans le nord-est du pays. Avec la baisse des niveaux d'eau de l'Euphrate due à la sécheresse et le recours des communautés à des sources insalubres, telles que la rivière ou des canaux ouverts pour s'approvisionner en eau, le risque d'une véritable épidémie de choléra est important. D'autant plus que les infrastructures sanitaires locales ont été décimées par 11 années de conflit.


Alaa, victime de symptômes grave

Dans le gouvernorat d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie, Alaa Hassan, 30 ans, est arrivée épuisée et malade au CTC de 24 lits soutenu par nos équipes, la seule unité actuellement active dans la région. « Au début, je pensais qu'il s'agissait d'une infection intestinale normale, mais en quelques heures, mes vomissements et mes diarrhées se sont aggravés, j'ai failli m'évanouir et ma tension artérielle a soudainement chuté », raconte Alaa. Sa belle-mère a présenté des symptômes similaires, mais elles ne connaissaient pas la source de l'infection. « J'avais entendu parler de la propagation du choléra en Syrie, mais je ne m'attendais pas à l'attraper et à souffrir de symptômes aussi graves », a-t-elle ajouté. Deux jours après son admission au CTC, et peu de temps après avoir reçu un traitement, tous ses symptômes avaient disparu.

MSF soutient :

  • 1 CTC dans le Nord d'Idlib -220 patient traités dans les unités de soins intensifs
  • 20% présentaient des symptômes graves
  • 1 CTC à Afrin
  • 1 CTC à Al-Bab en partenariat avec l'organisation Al-Ameen
  • 4 points de réhydratation orale (ORP) - 300 patients traités 

Le choléra, d'abord lié à l'eau contaminée de l'Euphrate et à la grave pénurie d'eau dans le nord de la Syrie, a initialement fait son apparition à Deir ez-Zur, puis s'est déplacé le long de l'Euphrate jusqu'à Raqqa et à Alep, dans le nord-ouest, avant de se propager rapidement dans tout le pays.


Dalal et Saleh, mère et fils hospitalisés en urgence

Dalal et son fils Saleh, originaires de la campagne de Raqqa, à quelques heures de route, ont été orientés vers le centre de traitement du choléra de Raqqa, il y a tout juste un jour. Elle s'est désespérément rendue au centre avec son bébé gravement malade, en utilisant les transports publics et en voyageant dans un minibus. Son bébé perdant des fluides et s'affaiblissant de minute en minute, elle avait l'impression que le voyage ne finirait jamais. Mère de huit enfants, elle a dû laisser les autres avec leur père.

« Il a eu une forte diarrhée il y a une semaine. J'ai pensé que cela pouvait être dû au lait de brebis, mais son état de santé s'est détérioré. Je l'ai amené dans ce centre et grâce à Dieu, il se sent beaucoup mieux maintenant ».

Delal CTC Racca. Syrie, Novembre 2022.

Delal et son fils au CTC de Racca. Syrie, Novembre 2022.

© Azad Mourad/MSF

Engager les communautés locales

Ahmad Ali est membre de l'équipe de promotion de la santé du CTC de Raqqa. Il fait partie d'un groupe d'agents de santé communautaires du nord de la Syrie, qui rendent visite aux patients dans leur chambre et rencontrent les familles pour parler de leurs préoccupations et répondre à leurs questions.

Ils expliquent également comment reconnaître les premiers symptômes du choléra, et ce qu'il faut faire si quelqu'un soupçonne qu'il ou un membre de sa famille a attrapé la maladie.

« Certaines familles des zones rurales de Raqqa m'ont dit qu'elles utilisaient directement l'eau des canaux ouverts ou de la rivière pour leurs usages quotidiens et comme boisson. Cette eau est pourtant contaminée et insalubre. Lorsque la station d'épuration voisine ne fonctionne pas, les gens cherchent naturellement d'autres ressources, ce qui les expose au risque de contracter la maladie. »

Alors que le nord de la Syrie est confronté à un nouvel hiver rigoureux, dans un contexte sécuritaire déjà instable, les communautés locales font tout leur possible pour contribuer à endiguer l'épidémie, afin qu'elle n'ajoute pas une nouvelle couche de complexité à une situation humanitaire déjà précaire.