Libye: il faut mettre fin à la détention arbitraire
© Christophe Biteau/MSF
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Les réfugiés, demandeurs d’asile et migrants en Libye sont de plus en nombreux à être interceptés en mer Méditerranée par les garde-côtes libyens, qui reçoivent le soutien de l’Union Européenne, et débarqués dans les ports libyens. L’organisation médicale internationale Médecins Sans Frontières (MSF) appelle à ce que cesse la détention arbitraire.
Au moins 11 800 personnes ont été ramenées en Libye alors qu’elles tentaient la traversée de la Méditerranée dans des embarcations souvent hors d’état de naviguer d’après les agences des Nations-Unies. Les interceptions dans les eaux internationales entre l’Italie, Malte et la Libye se déroulent presque quotidiennement, et une fois débarqués, la majorité des rescapés sont transférés dans les centres de détention dits « officiels » situés au long des côtes libyennes.
Des personnes qui viennent de vivre une expérience traumatisante, frôlant la mort en mer, ne devraient pas être envoyées dans un système de détention qui est arbitraire, dangereux et qui les exploite.
« Un grand nombre d’entre elles ont déjà enduré des niveaux de violence et d’exploitation extrêmes en Libye et durant leur parcours depuis leur pays d’origine. Il y a des victimes de violence sexuelle, du trafic d’êtres humains, de torture et de maltraitance. Les enfants, parfois isolés sans un membre de leur famille ou un tuteur pour les accompagner, les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes âgées, ou les personnes avec des troubles mentaux ou de graves problèmes médicaux font partie des plus vulnérables. »
Une mesure fortement questionnable
Aujourd’hui, aucun système d’enregistrement ne permet de suivre et de confirmer ce qu’il advient d’une personne une fois entrée dans un centre de détention. Les détenus n’ont pas la possibilité de contester les raisons légales de leur détention ni celle du traitement qu’ils subissent. Les programmes d’évacuation, conduits par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR), ont été renforcés en fin d’année dernière pour permettre de sortir les réfugiés et migrants de leur détention arbitraire en Libye. Malheureusement seulement une proportion limitée des réfugiés et migrants actuellement en Libye en bénéficie.
La principale mesure a consisté à intensifier les retours « volontaires » de migrants en centres de détention vers leur pays d’origine. Environ 15 000 personnes ont été rapatriées depuis novembre 2017. Cette amélioration permet à des personnes prises au piège en Libye de rentrer chez elles lorsqu’elles le peuvent et le souhaitent vraiment. Néanmoins, la nature volontaire des évacuations demeure questionnable car les personnes n’ont pas d’autre moyen légal de sortir des centres de détention. Le HCR a évacué un peu plus d’un millier de personnes parmi les réfugiés les plus vulnérables en détention, et la plupart ont été amenés au Niger, où ils attendent urgemment une réinstallation rapide dans un pays tiers.
Des centres de détention surpeuplés
En raison du renforcement des interceptions en mer par les garde-côtes libyens, les équipes MSF à Misrata, Khoms et Tripoli constatent une forte hausse du nombre de réfugiés, demandeurs d’asile et migrants placés dans des centres de détention surpeuplés. En l’espace d’une journée, MSF a récemment apporté une assistance médicale à 319 personnes interceptées en mer et amenées dans un centre de détention de Tripoli. La majorité de ces rescapés ont été retenus captifs par des trafiquants durant plusieurs mois avant de tenter la traversée de la Méditerranée. Dans la région de Misrata et Khoms, MSF soigne des détenus souffrant de brûlures au second degré, de la gale, d’infections respiratoires et de déshydratation. Directement amenés au centre de détention, certains rescapés n’avaient rien à se mettre sur le dos, après avoir perdu toutes leurs affaires et vêtements en mer. « A Khoms, il y a environ 300 personnes, y compris de très jeunes enfants, enfermées dans un centre de détention surchargé. Il n’y pas d’aération et dans la chaleur étouffante, les détenus manquent d’eau potable. Ils n’ont accès qu’à un mélange d’eau de mer et d’eaux usées, explique Anne Bury, coordinatrice médicale adjointe pour MSF. La situation est intenable dans les centres de détention. Il y a beaucoup de tensions, et les gens sont exposés à toutes sortes d’abus. Nous avons noté des blessures et des fractures. Ils sont dans une grande détresse. Des détenus auraient tentés de s’évader. Certains ont commencé une grève de la faim. »
Une stratégie européenne inacceptable
La situation actuelle est le résultat des efforts des gouvernements européens pour empêcher à tout prix les réfugiés, migrants et demandeurs d’asile d’atteindre l’Europe. Un élément essentiel de la stratégie européenne consiste à équiper, former et soutenir les garde-côtes libyens pour qu’ils interceptent les personnes en mer et les ramènent en Libye. Les navires non libyens qui interceptent des migrants ne peuvent pas les amener en Libye, car légalement ce pays n’est pas considéré comme lieu sûr. Les personnes secourues dans les eaux internationales de la Méditerranée ne doivent en aucun cas être renvoyées en Libye, mais amenées dans un port sûr conformément au droit international et maritime.
« C’est une stratégie qui est inacceptable. Cela ne peut pas être la solution pour empêcher de nouvelles arrivées en Europe. déclare Karline Kleijer. Les réfugiés et migrants interceptés en mer ne doivent pas être ramenés en Libye pour y être détenus là-bas sur une base arbitraire. »
Pour en savoir plus la détention arbitraire en Libye des réfugiés, migrants et demandeurs d’asile.
© Christophe Biteau/MSF