Burkina Faso: l’accès aux soins, aussi vital que difficile
© Marie-Laure Désirée DAGAULT/MSF
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Depuis 2015, le Burkina Faso vit au rythme d’une crise sécuritaire qui perdure et plonge les populations dans une grande détresse. En mai 2022, selon les données officielles, on estimait à plus de 1,9 millions de personnes déplacées internes dans le pays et plus de 500 centres de santé fermés ou fonctionnant au minima, selon le CONASUR. La situation humanitaire est chaque semaine un peu plus inquiétante et comme bien souvent, le manque d’attention médiatique et le manque de financements vont de pair.
« Mon épouse était enceinte. J’ai dû l’amener à Kongoussi à moto dans un centre de santé. A Silgadji nous n'avions pas accès aux soins car les centres de santé étaient fermés. Les premières personnes qui sont parties lorsque le conflit a éclaté ce sont les infirmiers et les centres de santé qui sont restés ouverts étaient très éloignés » raconte Ousseini, un déplacé interne venant de Silgadji dans la région du Sahel au Burkina Faso.
Dans un contexte volatile où l’insécurité augmente crescendo, l’histoire de Ousseini est certes très personnelle, mais illustre le vécu de milliers de personnes ayant fui les violences au Burkina Faso. Le déplacement massif des populations a considérablement accru les besoins humanitaires, et les communautés – hôtes comme déplacées – ont désormais besoin de tout, alors qu’elles sont privées de l’essentiel : les soins de santé.
Avec la peur quotidienne, les populations sont souvent confrontées à des difficultés de déplacement : les routes ne sont pas sûres et elles sont terrifiées à l’idée d’être attaquées pendant leurs déplacements.
Dans plusieurs régions du pays, où la situation s’est fortement dégradée, les équipes MSF ont mis en place des postes de santé avancés où l’accès aux soins est gratuit.
« Nous organisons aussi des cliniques mobiles sur les axes encore accessibles et déroulons des activités de type communautaire pour être au plus près des populations, notamment celles qui vivent en périphérie des villes ou dans des zones rurales éloignées des villes » nous explique le docteur Michel Madika, coordinateur médical MSF au Burkina Faso.
Malgré cela, il est souvent difficile même pour les organisations médicales et humanitaires d'atteindre les personnes, car les déplacements mettent souvent en danger les équipes. A Djibo, par exemple, depuis plusieurs mois, nous avons dû suspendre le déplacement de nos équipes vers les environs de Djibo, une ville enclavée au Sahel. A part ces déplacements, la route entre Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, et Djibo n'est plus sûre à cause des fréquents check points des groupes armés, embuscades et même des engins explosifs improvisés. Malheureusement, c'est le cas dans de nombreuses villes et zones où MSF travaille au Burkina Faso et même les vols humanitaires affrétés pour relier diffèrent villes sont devenus irréguliers et/ou suspendus pendant des semaines en raison de l'insécurité.
La violence continue également d'avoir un impact négatif sur l'accès aux services sociaux de base. Les personnes déplacées internes sont arrivées sans rien, dépossédées de tous leurs biens. Pour elles, chaque consultation dans un centre de santé, chaque ordonnance reçue soulève l’épineuse question des moyens financiers.
Depuis que je suis à Djibo, les montants des ordonnances sont élevés et pour moi qui suis déplacé, c’est difficile de payer.
Ousseini a fait face à des difficultés semblables : « Ma seule alternative était de recourir aux tradipraticiens et à d'autres médicaments vendus sur le marché pour me soigner, puisque je n'avais pas vu d'agent de santé. »
Pourtant, comme le souligne Dr. Madika, ces alternatives ne sont pas sûres. Il insiste donc sur la nécessité d’améliorer l’accès aux soins pour les populations touchées par la crise. « Il faut aussi que d’autres partenaires du ministère contribuent à la gratuité des soins pour tous, dans les zones les plus touchées par le conflit, car les besoins sont énormes, et pas seulement pour les enfants de moins de 5 ans ou les femmes enceintes. Mais comment le garantir, alors que le Burkina Faso n'a reçu à ce jour que 15% du financement prévu en 2022 dans le plan de réponse humanitaire ? ».
© Marie-Laure Désirée DAGAULT/MSF