Grèce : MSF appelle les autorités à enquêter sur les allégations d’enlèvement et de refoulement des migrant·e·s à Lesbos

Eine Betroffene vor dem CCAC Mavrovouni. Lesbos, September 2021.

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Médecins sans Frontières (MSF) dénonce la détérioration continue de la situation des migrant·e·s et des réfugié·e·s sur l’île grecque de Lesbos. Elle appelle les autorités grecques et la Commission européenne à enquêter immédiatement sur les allégations de migrant·e·s menacé·e·s, enlevé·e·s et maltraité·e·s par des personnes masquées non identifiées qui mettent en danger la vie des personnes sur terre et en mer en procédant à des refoulements systématiques.

A Lesbos, les équipes médicales d’urgence de MSF sont alertées par le HCR (l’agence des Nations Unies pour les réfugiés) et d’autres acteur·ice·s lorsque des migrant·e·s arrivant sur l’île ont besoin de soins médicaux d’urgence.

Or, depuis que MSF a commencé à fournir des soins médicaux d’urgence aux personnes arrivant par bateau à Lesbos en juin 2022, ce sont 940 personnes qui n’ont jamais été trouvées par nos équipes à l’endroit signalé. ​

Nihal Osman, coordinatrice du projet MSF à Lesbos

Plusieurs patient·e·s ont raconté au personnel de MSF avoir été interceptés de manière violente puis refoulés en mer lors de précédentes tentatives d’atteindre la Grèce. Certain·ne·s racontent que des hommes masqués ont essayé de gagner leur confiance en se faisant passer pour des médecins, ou même pour du personnel de MSF, comme cela a récemment été rapporté dans un article du New York Times du 19 mai 2023. « Si cela est confirmé, c’est une manipulation grave et inacceptable de l’aide humanitaire », déclare Nihal Osman. Les équipes de MSF ont plusieurs fois croisé dans les environs des lieux d’intervention des véhicules sans plaques d’immatriculation, souvent conduits par des individus avec le visage couvert de tissu noir.

A cause de la criminalisation des ONG qui dissuade de nombreuses organisations d’intervenir, MSF est désormais le seul acteur indépendant à venir en aide aux personnes débarquant sur l’île.

Les demandeur·euse·s d’asile arrivant à Lesbos sont répartis dans deux centres en fonction du lieu de leur arrivée : Mavrovouni et Megala Therma. Mavrovouni, l’un des nombreux Centres Fermés à Accès Contrôlé financés par l’UE, a accueilli jusqu’à 2 700 personnes en 2023. Avant leur mise en service, ces nouveaux centres ont été présentés comme des lieux améliorant les conditions de vie des migrant·e·s. En réalité, les conditions de confinement et les restrictions de mouvement se rapprochent de celles d’une prison.

Le 17 mai, les autorités grecques ont cessé de fournir de la nourriture aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié et à celles privées de protection internationale, annonçant leur intention de les expulser du camp. Par ailleurs, les enfants de familles qui se sont vu refuser une protection internationale perdent leur numéro de sécurité sociale, et avec celui-ci l’accès aux soins et aux vaccins de base, en violation de leurs droits.

« Ces annonces ont entrainé la montée des tensions dans le camp », poursuit Nihal Osman. « Les patient·e·s se sentent humiliés. Ils font la queue pendant des heures, ont de moins en moins de nourriture. Les autorités utilisent la privation de nourriture comme levier pour forcer les gens à quitter le centre. »

A Megala Therma, ancien centre de quarantaine Covid-19 sur la côte nord de Lesbos, où MSF fournit des soins de santé depuis 2020, la situation est également alarmante. Les personnes ne sont pas enregistrées et y sont par conséquent arbitrairement détenues pendant des jours, dans certains cas pendant plus de deux semaines, avant d’être transférées à Mavrovouni.

Les conditions de vie à Megala Therma sont désastreuses. Les logements sont surpeuplés et dépourvus de lits ; il arrive que 14 personnes soient entassées dans des unités pouvant en accueillir cinq. « Tout le monde est logé ensemble, y compris les enfants, sans tenir compte des vulnérabilités ou des procédures de sécurité et de protection », explique Nihal Osman.

« Le centre de Megala Therma étant isolé, les médecins de MSF s’y rendent deux fois par semaine. Si des urgences médicales surviennent un autre jour, personne n’est sur place pour y répondre et il faut plus d’une heure à une ambulance pour arriver. »

MSF appelle les autorités grecques et européennes à mettre en place des conditions d’accueil dignes pour ceux qui restent sur l’île. L’accès aux soins, à la protection et à l’aide humanitaire doit être accordé à tous les nouveaux arrivants en quête de protection en Grèce, conformément à la directive de l’UE sur l’accueil.